La danse contemporaine peut nous réserver de très agréables surprises, comme de très mauvaises. C’est un peu le jeu de cet art, surtout quand le chorégraphe travaille sur la danse pure, là où il n’y a pas d’histoires à raconter, ou si peu, quand il creuse son sillon dans la recherche chorégraphique, voire quand le spectateur fait sa propre analyse de ce qu’il voit et entend sur scène.
Les Hivernales en Avignon, c’est l’espace du Centre de Développement Chorégraphique (CDC). En été, pendant le Festival, les Hivernales accueillent du 9 au 19 juillet, sept compagnies qui présentent chacune un spectacle « exigeant et accessible à tous ».
La Compagnie Vilcanota présente cette année, « People what People ? », spectacle de 55 mn chorégraphié par Bruno Pradet. Ancien ingénieur, il bascule vers la danse contemporaine au milieu des années 90 et fonde sa compagnie, basée à Montpellier, en 2001. Montpellier, c’est aussi un CCN dirigé depuis janvier 2015 par Christian Rizzo, lequel était présent en Avignon et a assisté à la chorégraphie de Bruno Pradet, ce qui laisse espérer des liens étroits entre le CCN et la Compagnie Vilcanota.
Mais revenons à « People what People » ! Ils sont sept sur scène, quatre garçons et trois filles, pantalons ou robes pour ces dernières, on les découvre peu à peu, droits, immobiles, lorsque le jour apparaît au sortir de la nuit. Ils ne quitteront pas la scène. 7 pour éviter toute symétrie, afin de respecter l’imparité. Le plateau est entièrement nu, murs noirs. Une musique électro tirée de Spoon, saccadée, même note, fait bouger les têtes, dans un mouvement bref, rythmé, puis c’est tout le corps qui est pris de soubresauts. Tout est cadencé en fonction du tempo musical. Les danseurs, peu à peu, se déplacent, toujours pris par ces gestes cadencés de tête, de bras, du corps, mouvements de plus en plus rapides, dans une sorte de transe. Le groupe reste le plus souvent soudé, comme mu par un sentiment de solidarité qui leur interdit d’éclater.
Le projet porte sur l’humain, comme un fil qui se déroule selon un travelling, sur des moments forts de la vie quotidienne, la vie, la mort, la violence… Le groupe apparaît comme un chœur qui veut vivre ensemble, et qui donc doit s’accorder. Je pense inévitablement à un groupe de migrants qui poursuit un but à atteindre ensemble (l’idée ne déplaît pas à Bruno Pradet).
Un ahanement se fait entendre venant des danseurs, puis un fou rire les prend : joie d’avoir atteint un but, d’avoir rempli un devoir ? La musique évolue vers du classique (marche funèbre de Rossini), puis une fanfare des Balkans ainsi que celle du carnaval de Dunkerque (musique arrangée par Yoann Sanson). Les sirènes de Circé semblent les attirer vers un disque de lumière au sol, tournant à très vive allure, tel un kaléidoscope. Ils sont alors pris dans un tourbillon circulaire, d’une rapidité époustouflante, courant, rampant parfois, en une sorte de sacre.
C’est fabuleusement beau, on sent un immense travail du chorégraphe et de ses sept danseurs, une recherche jusqu’au plus petit détail. La salle applaudit longuement, et c’est amplement mérité.
(Le chorégraphe m’a très gentiment reçu, pour Dansomanie, pendant une petite heure le lendemain de la représentation à laquelle j’ai assisté : qu’il en soit chaleureusement remercié).
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