dimanche 30 avril 2017

Un prodigieux Arturo Ui au Français

Brecht est toujours un événement lorsqu’il est à l’affiche d’un théâtre, qui plus est lorsqu’il s’agit d’un Théâtre National, à fortiori lorsque la pièce y fait son entrée au répertoire. C’est le cas du très emblématique texte de Brecht, « la résistible ascension d’Arturo Ui », écrit en exil en Finlande en 1941 et joué pour la première fois en France en 1960 par Vilar à Chaillot. La Comédie Française a donc programmé la pièce en ce printemps, en faisant appel à Katharina Thalbach pour la mise en scène.

La metteure en scène a vécu toute son enfance, immergée dans le Berliner Ensemble, la compagnie de Brecht, c’est dire qu’elle connaît plus que quiconque, le théâtre brechtien. C’est donc un théâtre populaire, au sens premier du terme, et en aucun cas populiste, que la Comédie Française propose aux spectateurs. « Un théâtre populaire (qui) relève du divertissement, dans le meilleur sens du terme », nous dit K Thalbach, laquelle grime ses acteurs en de véritables clowns sortis des entrailles du plateau de la salle Richelieu, dans un spectacle digne des cabarets berlinois de l’époque. J’ajouterai, un théâtre du divertissement, mais qui parle du monde tel qu’il est, et pas de la planète Mars ! Fut-ce par la technique de la « distanciation » chère à Brecht.

En quelques mots, Arturo Ui, truand à Chicago s’empare du trust du chou-fleur (c’est là qu’on découvre tout le génie de Brecht, car qui peut s’enrichir dans le chou-fleur ?), puis de la mairie de la ville, avant de mettre la main sur la ville voisine, le tout avec force assassinats. Ui, on le sait, est Hitler, entouré de ses plus proches militants nazis. D’ailleurs, pour que personne ne l’ignore, des panneaux rappellent régulièrement aux spectateurs les grandes dates de la montée d’Hitler au pouvoir.

Si K. Thalbach reste fidèle à Brecht avec devant la scène, un cordage représentant une immense toile d’araignée dans laquelle viennent se perdre ceux qui s’en approchent de trop près, le spectateur ne peut s’empêcher de penser à tel ou tel personnage politique d’aujourd’hui, et il n’a que l’embarras du choix, quand il entend Ui s’exclamer : « et tout le monde parlera de moi comme un homme qui respecte la loi quand on lui épargne les rigueurs de la loi… ». Laurent Stocker qui tient le rôle titre est absolument prodigieux, à la fois c’est Chaplin, Hitler, mais aussi Richard III, et tous ceux qui, tels des pantins, incarnent des bonimenteurs de foire, car comme le dit Brecht, « pourtant les peuples se sont montrés plus forts, mais que personne ne chante victoire toutefois, il est encore fécond le ventre d’où cette vermine suinta. ».

Longue ovation du public pour la troupe avec entre autres aux côtés de Laurent Stocker, Thierry Hancisse, Éric Génovèse, Florence Viala, Michel Vuillermoz, Serge Bagdassarian et Bakary Sangaré.

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