Enfin, Lav Diaz à Orléans ! Le réalisateur philippin, digne successeur de Lino Brocka, celui qui remporte le premier prix partout où il passe, Léopard d’Or à Locarno en 2014 pour « From What Is Before », Lion d’Or à la Mostra de Venise en 2016 pour « la Femme qui est partie ». Prix Alfred Bauer à la Berlinale 2016 pour « Berceuse pour un sombre mystère ».
Lav Diaz parle de son pays, les Philippines, longtemps sous domination étrangère, puis terrassé par une dictature barbare. Considérant que son pays n’a pas vécu, il se rattrape avec la durée de ses films, le premier nommé 5 h 38 m, le second 3 h 46, et le troisième, la Berceuse est annoncé pour un peu plus de 8 heures ! Excusez du peu, mais le réalisateur Philippin prend son temps, ou plutôt octroie à son pays le temps de respirer, de vivre libre, rejetant les contraintes des multiplex de par le monde.
Le cinéma des Carmes projetait donc, en séance unique, « La Femme qui est partie ». C’est l’histoire d’une femme qui a été emprisonnée durant trente ans (on retrouve encore la notion de durée extrême) et qui est libérée soudainement, innocentée par la véritable meurtrière. Elle retrouve sa fille qu’elle avait laissée à l’âge de sept ans, son mari est mort et son fils disparu.
Lav Diaz s’attarde sur les portraits de personnages en marge de la société rongée par la misère, une femme qui a perdu la raison, une autre transsexuelle (la séquence où elle/il est devant l’enquêteur est exceptionnelle), un bossu vendeur de baluts (œufs cuits à la vapeur où le fœtus est déjà formé), et bien sûr Horacia l’héroïne, devenue Renata lorsqu’elle s’installe dans une ville, non loin de celui qui l’a envoyée en prison et dont elle rêve de se venger.
Le film de Lav Diaz, en Noir et Blanc, tourné en plans fixes, offre pour chacun d’entre eux, un tableau d’une beauté surprenante, où lumières et ombres se côtoient harmonieusement. Doisneau ou Salgado sont là, ou du moins leur savoir-faire ! Lav Diaz alterne les séquences de jour et de nuit, Renata apparaissant avec une tenue vestimentaire pour le jour, une autre pour la nuit, ce qui semble créer une sorte de double, du plus bel effet.
La dernière séquence montre Renata cherchant son fils dans Manille, tournant en rond sur des tracts qu'elle a jetés par terre, telles les "les mères de la place de Mai" en Argentine cherchant leurs enfants tués par la dictature. Car cette dernière peut sévir partout. Un clin d'oeil à tous les démocrates du monde entier qui luttent pour la liberté.
Lav Diaz a choisi manifestement son camp, celui de la liberté, celui des miséreux face aux puissances d’argent, celui des valeurs universelles. Un très grand cinéaste de notre temps !
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