samedi 4 mars 2017

Un délice merveilleux

Faut-il parler de phénomène Marie Chouinard ? J’ai découvert la chorégraphe québecquoise en Avignon l’été dernier dans « Soft Virtuosity, Still humid, on the Edge », titre plutôt énigmatique, mais la chorégraphie m’avait vivement intéressée, car disais-je, la nouvelle Directrice de la Biennale de Venise bouge tous les codes de la danse contemporaine.

D’une biennale à l’autre, sa présence à celle de la Danse du Val de Marne m’a incité à me déplacer à Vitry sur Seine, au théâtre Jean-Vilar, afin de découvrir sa dernière création, « Jérôme Bosch : le Jardin des Délices ».

Première en France donc, après être passé par Québec, Bruges, Milan, Vienne (Autriche), Bois-le-Duc (Pays-Bas), Madrid.

On connaît le tableau, peint probablement vers la fin du XVème et le début du XVIème. C’est un triptyque avec un panneau central et deux latéraux qui peuvent se fermer et s’ouvrir, exposé au musée du Prado à Madrid.

En fond de plateau, un écran sur lequel le tableau est projeté, volets fermés. On entend les pépiements d’oiseaux, symbole de la nature naissante. Il s’ouvre, une pure merveille apparaît.  Puis zoom sur la partie basse du panneau central. Les 10 danseurs pénètrent sur le plateau, nus ou presque, la peau blanchâtre, dans des postures étranges, rappelant peut-être celles d’animaux naissant, des premiers gestes ancestraux. Une bulle en plastique transparent apparaît, les danseurs finiront par s’y engouffrer symbolisant le cocon où se réfugie la nymphe. Cette première partie, infiniment belle, où les corps s’entrelacent, est un petit bijou chorégraphique, on dirait que le tableau de Bosch est descendu sur le plateau et que ses multiples personnages sont animés.

Après un intermède de quelques minutes, rideaux fermés,  de chaque côté de la scène, deux petits écrans font apparaître des détails du panneau de droite représentant l’Enfer, analyse que la chorégraphe conteste d’ailleurs. Sur scène, trône un amoncellement d’objets divers que vont utiliser les danseurs : un grand escabeau, deux cors des Alpes, des seaux, une chaise à roulettes, des bottes jaunes… Des postures sexuelles apparaissent dans un  désordre indescriptible digne peut-être du chaos biblique, ou plus sûrement du dérèglement du monde.

Dans une troisième partie, le détail du tableau de gauche représentant Dieu, Eve et Adam est projeté sur l’écran en fond de scène. Le calme est revenu, une femme est entièrement voilée. Avant le final, il me semble que le radeau de la méduse, que j’avais entrevu dans Soft Virtuosity réapparaît, est-ce une illusion de ma part ? Enfin, les danseurs se regroupent au fond à gauche, ils semblent être absorbés par le tableau de Bosch, ne faire plus qu’un avec l’œuvre du Maître. C’est beau à couper le souffle. Le triptyque se referme.

On se dit que lorsque la danse contemporaine atteint un tel degré de beauté, elle est l’avenir de cet art !

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