mercredi 15 mars 2017

Déchirement familial

Lorsque Tennessee Williams écrit « Soudain l’été dernier » en 1958, il a alors 47ans, il a déjà publié « Un Tramway nommé désir » ainsi que « la Ménagerie de verre ». D’une part, il assume son homosexualité, et d’autre part, sa sœur Rose, internée en hôpital psy a subi une lobotomie. Éléments de la vie de l’écrivain américain qu’il est intéressant de connaître afin de comprendre tous les fils de la pièce.

Stéphane Braunschweig, qui fut le premier Directeur du CDN d’Orléans, a aujourd’hui pris les commandes du théâtre de l’Odéon. En cette qualité, sa première mise en scène est donc la pièce de Williams, laquelle met au centre du discours – on ne peut qu’être ébloui par la beauté du texte - Sébastien, la quarantaine, mort depuis quelque temps, objet d’un déchirement familial entre la mère et une cousine à lui, sur fond, comme je l’ai dit, d’homosexualité et d’internement en hôpital psy.

De quoi est donc mort Sébastien, lors d’un voyage avec sa cousine Catherine à Cabeza de Lobo, ville imaginaire ? Dans la dernière scène toute de gravité, un médecin réalise une sorte de psychanalyse sur Catherine, laquelle va décrire par le menu détail la mort de son cousin. Si le médecin déclare, et c’est là-dessus que se termine la pièce, « qu’on est bien obligé de croire à cette version », il va sans dire qu’il s’agit d’une allégorie que n’a d’ailleurs pas cachée Tennessee Williams. D’une part, elle ressemble fort à la mort des milliers de bébés tortues marines dès leur naissance, telle que vues et décrite par la mère de Sébastien lors d’un voyage avec son fils. Ensuite, parce que si l’on replace la description de la mort de Sébastien par Catherine dans son contexte, il apparaît qu’il s’agit de la société des humains qui broie celles et ceux qui sont différents des autres, qui ne s’insèrent pas dans la normalité, ce qui était le cas de Williams de par son homosexualité, ou de sa sœur considérée schizophrène.

Braunschweig a imaginé sur scène, le jardin de Sébastien, une sorte de jungle tropicale avec cris d’animaux et lianes qui descendent des cintres, censées représenter peut-être la société venue broyer celui que sa mère considère comme un poète, qu’elle porte aux nues, et dont elle dit que la vie était son travail, et que son travail était sa vie.

Une troupe d’acteurs formidables permet au public d’apprécier et d’entrer dans les méandres de la pièce au premier rang desquels Luce Mouchel en Mrs Venable, la mère de Sébastien, dont chaque geste, le plus infime, est le plus juste. Elle est, à elle seule, le monument de la pièce, de par sa présence, son allure noble, sa manière de se mouvoir sur scène, sa diction. Sans oublier le médecin, Jean-Baptiste Anoumon, et Marie Rémond en Catherine, dont au final, on ne sait si elle possède encore toute sa raison.

Réussite pleine et entière pour Stéphane Braunschweig, mais dont on connaissait déjà tout le talent dans la mise en scène.

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