Lucas Belvaux, acteur et réalisateur belge, nous plonge dans l’univers de l’extrême droite française, celle qui se veut propre du moins sur ses habits, et l’autre, aux relents néo-nazis, la plus abjecte, dans son dernier long métrage, « Chez nous ».
Lors de la préparation d’élections municipales dans un village du nord de la France, Pauline, infirmière à domicile (Émilie Dequenne dans un rôle qu’elle domine totalement), se fait recruter comme tête de liste par un parti qui, s’il ne s’appelle pas Front National dans le film, en a toutes les apparences. Notre infirmière qui élève seule ses deux enfants apparaît aux yeux des dirigeants du parti, comme la plus à même d’attirer les électeurs embourbés dans le chômage et sans avenir, les retraités aux maigres pensions, dans une société où la délinquance n’est pas plus forte qu’ailleurs, mais qu’on monte en épingle. Elle côtoie dans son immersion au sein de l’extrême droite, la Présidente du parti (suivez mon regard), un médecin âgé (un excellent André Dussollier) ancien leader historique de la droite extrême, et tombe amoureuse d’un copain de jeunesse qui se révèle être le chef d’un groupuscule néo-nazi en rupture avec les costards cravate du parti en phase de « dédiabolisation ». C’est vrai, ça fait un peu beaucoup, Belvaux a mis la dose !
Le film de Belvaux, linéaire, (mais est-ce une tare ?), nous livre un parcours sur cette belle région qu’on appelle dorénavant les « Hauts de France », avec ses rues interminables des corons, bordées de maisons identiques à perte de vue, ses terrils, sa piste de ski… et son foot qui semble réunir tout le monde, dans ce stade mythique du club de Lens, le stade Bollaert où l’on fait la fête avant, pendant et après les matches.
Si l’on comprend et partage l’objectif de Lucas Belvaux, il reste néanmoins que le film pèche par son scénario, d’abord, assez caricatural. Que cette femme, infirmière, qui se dit « plutôt de gauche » cède aussi facilement aux sirènes de la haine, même présentée en blonde, est un peu dur à avaler. Déclarant au médecin « qu’elle n’est pas une conne », j’aurais tendance à lui répondre que si, hélas ! D’autre part, Belvaux n’offre quasiment aucun contradicteur à ces gens : tout juste, le père de Pauline, autrefois militant communiste, mais bien âgé, et une copine de Pauline, totalement isolée dans son discours. A tel point que je me demande, si des électeurs du Front, voire des gens s’interrogeant sur le vote FN, ne pourraient pas se sentir renforcés dans leur détermination à voter FN, en avril prochain. Car le discours, très policé, fait mouche, malheureusement, sur des gens déboussolés. Auquel cas l’objectif de Belvaux aurait totalement raté sa cible.
Il n’en reste pas moins que, pour des spectateurs partageant des valeurs humanistes, ce film nous éclaire sur les pratiques de l’extrême droite en France pour conquérir l’électorat, avec des acteurs tous excellents, plus vrais que nature, du simple militant au responsable, et c’est souvent là que des films montrant des responsables politiques échouent. C’est toute la qualité de « Chez nous ».
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