lundi 28 novembre 2016

Une vie qui décline inexorablement

Décidément, Stéphane Brizé aime particulièrement s’arrêter devant des personnages qu’il filme sous chaque angle, qu’il étudie sous tous leurs aspects, en gros plans très souvent, décortiquant leurs états d’âme, les mettant carrément à nu pour mieux les disséquer.

C’était déjà le cas dans « Quelques heures de printemps », pour moi un film culte, avec Hélène Vincent et Vincent Lindon, la mère et le fils sur fond de suicide assisté. Puis dans « la Loi du marché » avec encore Vincent Lindon, agent de sécurité, rôle avec lequel il obtiendra un Prix d’interprétation à Cannes.

Dans son dernier long métrage, Stéphane Brizé recourt au premier roman de Guy de Maupassant, « Une vie », qu’il adapte plus ou moins fidèlement. Une jeune baronne, Jeanne, nous sommes dans les premières années de la Restauration, se marie avec celui que ses parents lui ont présenté. Très vite, elle le découvre sous son véritable jour, avare, et surtout volage. De son mariage naît un fils, Paul, qu’elle chérit au-delà du raisonnable lorsqu’il devient adulte, ruinant ce qu’il reste de sa famille, c'est-à-dire elle seule.

Au-delà de la peinture d’un certain milieu, petite noblesse qui croit l’ancien temps revenu pour toujours, et de plusieurs personnages très restauration, tel ce jeune curé tout droit sorti de l’Enfer (mais est-ce si différent dans la France actuelle ?), encore faut-il préciser que Brizé a édulcoré Maupassant (on n’ose imaginer…), le réalisateur s’attache à montrer l’évolution au cours de sa vie étriquée d’adulte sans issue, sans ouverture sur le monde, déclinant inexorablement, de Jeanne, interprétée remarquablement par Judith Chemla, le format carré à l’écran permettant de mieux cerner le visage de l’actrice, et au regard du spectateur de ne pas s’évader. On citera aussi Jean-Pierre Darroussin, le père de Jeanne, aimant cultiver la terre et ça se voit à l’écran, Yolande Moreau, la mère de Jeanne, et surtout Nina Meurisse, la servante de Jeanne, formidable de générosité, dont on retiendra la dernière phrase adressée à sa patronne qui n’attend que la mort, après avoir recueilli le bébé de Paul : « Dans la vie, il n’y a pas que du bon ou que du mauvais ! ».

Brizé procède par flash-back, les couleurs chaudes du passé rompant avec la grisaille de la vie de Jeanne abandonnée de tous, utilisant aussi les ellipses, telle la mort des amants. Les feuillages aux couleurs estivales, automnales, comme des pauses dans le film, apparaissent à cet égard comme une vraie réussite.

Un film somptueux, calme, reposant, au montage merveilleux, à la musique d’une grande beauté créée par Olivier Beaumont, film justement récompensé à la Mostra de Venise par le prix Fipresci, et dont on se demande bien pourquoi la critique française ne l’a pas encensé.

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