Les dernières années du « Roi Soleil » ne sont pas les plus connues. Le pays s’est enfoncé dans la guerre, les coffres sont vides, variole et rougeole ont eu raison des fils et petits-fils, quand ce n’est pas une chute de cheval. A 77 ans, il ne reste plus qu’un seul arrière petit-fils de cinq ans, quand Louis XIV s’éteint en 1715 après un règne de 72 ans, victime d’une gangrène, aussi soudaine qu’énigmatique.
Ce sont les derniers jours du roi que le réalisateur espagnol Albert Serra nous raconte, en confiant le rôle titre à Jean-Pierre Léaud dans le long métrage, présenté à Cannes, « la Mort de Louis XIV ».
Ce n’est manifestement pas ce qu’on appelle film grand public. Filmer la mort étant déjà un exercice qu’on peut qualifier de lugubre, Serra a choisi la lenteur extrême, la quasi absence d’actions, tout se joue sur le lit où le Roi se meurt (sans jeu de mots). Tout au plus assiste-t-on au défilé des jeunes courtisanes qui applaudissent quand le roi met, puis ôte son chapeau, ou quand on parvient à lui enfourner une cuillerée de potage dans la bouche, celui qui tente, sans succès, de lui arracher son accord pour construire de nouvelles fortifications, cet autre défilé des médecins jusqu’au charlatan venu de Marseille, les prélats dont le cardinal de Rohan pour les derniers sacrements, et la Cour, la Marquise de Maintenon en tête, toute de froideur.
Jean-Pierre Léaud est sublime dans la mort, (serait-ce son meilleur rôle ?), ses râles, ses cris d’outre-tombe, la nuit, réclamant de l’eau, mais dans un verre de cristal, ses plaintes, ses tremblements de la joue, ses paupières se fermant lentement. L’ensemble dans un décor et des couleurs à la Rembrandt.
Soit le spectateur s’endort lourdement durant le film, soit il reste scotché sur l’écran par tant de beautés funèbres, un esthétisme rigoureux, un instant transporté par un extrait de la messe en Ut mineur de Mozart. Un film sépulcral, il fallait oser. Albert Serra a hautement gagné son pari, même si le jury cannois l’a oublié, mais on a l’habitude !
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