Marchés de dupes chez les spéculateurs

Photo de Sigrid Colomyès

L’ATAO ouvrait, ce mardi soir, sa 47ème saison théâtrale en retrouvant les murs du théâtre d’Orléans, et sa grande salle Pierre-Aimé Touchard, avec la seule pièce que Balzac a écrite, « le Faiseur », dans une mise en scène de Robin Renucci, Directeur du CDN, les Tréteaux de France. Retrouvailles réussies puisqu’environ 700 personnes avaient pris le chemin du Théâtre, où se côtoyaient adultes de tous âges et lycéens fort nombreux !

Le Faiseur, c’est l’histoire d’un type (Mercadet) dont la seule occupation consiste à jouer en bourse, acheter des actions et les vendre. Les pertes s’accumulant, les emprunts à droite, à gauche le conduisant au désastre, il passe son temps à arnaquer ses créanciers, les duper, pour repousser le temps de la faillite. Ayant une fille bonne à marier, il cherche désespérément un riche futur gendre, sans se douter que celui qu’il a trouvé, ruiné lui aussi, cherche jeune fille avec parents riches. Ainsi allait le monde au temps de Balzac. A-t-il vraiment changé aujourd’hui ?

La langue de Balzac, on ne le sait que trop, est d’une grande richesse, truculente à souhait. Même si l’on sait que la pièce a subi plusieurs adaptations, dont celle de Vilar en 1957, on hésite parfois concernant certains termes ou répliques, dont on se demande si c’est du Balzac dans le texte, ou s’il s’agit d’un ajout destiné à resituer, plus ou moins, l’histoire dans la France d’aujourd’hui, ou du moins établir quelques correspondances. En tout cas, nombre de remarques de Mercadet prouvent que rien n’a changé, ou si peu, dans le capitalisme financier naissant à l’époque de Balzac, et la vie politique actuelle.

La mise en scène, classique, qui rappelle par maints clins d’œil le théâtre de Feydeau ou celui de Labiche, avec ses masques et costumes, entraîne le spectateur dans un tourbillon de personnages, de situations cocasses, de retournements, qui ne laissent aucun répit, ni aux acteurs, ni au public, et c’est tant mieux !

Scène XI, Acte 1 :
Mercadet : Voyez-vous d'ici, tous les gouvernements intéressés au maintien de l'ordre, devenant nos premiers actionnaires. Les ministres, les princes et les rois sont nos actionnaires fondateurs. A leur suite viennent les dieux de la finance, les grands capitalistes, la banque, les rentiers, le commerce et les spéculateurs en démocratie ; les marchands de socialisme eux-mêmes, voyant leur industrie ruinée, sont réduits pour vivre à me prendre des actions !