La Tête Noire de Saran invitait Zabou Breitmann, mardi soir, en son théâtre de la Chapelle Vieille, avec « la Compagnie des Spectres », spectacle que Zabou a créé en 2010, seule, sans direction d’acteur. Si elle regrette aujourd’hui de ne pas s’être entourée à l’époque d’un metteur en scène, son spectacle est maintenant très au point, après six années de tournées à travers la France.
Salle comble donc à Saran. Sur scène, un bric à brac invraisemblable. Nous sommes dans un appartement à la surface réduite, où vivent une mère âgée, et sa fille adulte et célibataire. Toutes deux ne sortent quasiment pas, sauf pour les courses. Survient un huissier, car nos deux femmes n’ont pas ou si peu de revenus qu’elles ne paient plus le loyer. Vieille télévision, vieille machine à coudre, vieux réfrigérateur, vieux canapé, tout est ancien dans cet appartement où au fil des ans, on a entreposé tout ce qu’on peut imaginer. Si la fille laisse l’huissier établir la liste de ce qui est invendable, la mère qui a connu l’occupation sous Vichy, pense revoir en l’huissier, les acteurs de cette sombre époque : Darlan dont la description n’est pas en sa faveur, Pétain avec qui elle danse (un régal), deux jumeaux de la milice, et j’en passe.
En fait, Zabou interprète les rôles de la fille et de la mère, dans un magnifique déluge verbal. Texte écrit par Lydie Salvayre, qui quelques années plus tard obtiendra le Prix Goncourt avec « Pas pleurer », roman sur la guerre d’Espagne où c’est la grand-mère qui raconte.
Déluge verbal disais-je, durant une heure trente ; parfois on décroche l’espace d’un instant, mais vite on reprend le cours du voyage sous Vichy. On se demande comment Zabou a pu apprendre tout ça par cœur, les quelques hésitations ou bafouillages sont voulus, clins d’œil au public, sourires ou mine grave… Performance d’actrice exceptionnelle, le public lui réserve un triomphe, amplement mérité.
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