vendredi 14 octobre 2016

Les frères Dardenne auscultent une jeune femme médecin.

Quand on va voir un film des frères Dardenne, il faut s’attendre à une analyse psychologique d’un personnage. Dans « la Fille inconnue », paradoxalement, ce n’est pas celle du titre qu’on ne verra pratiquement pas à l’écran, mis à part quelques secondes sur une vidéo prise par une caméra placée à l’entrée d’un cabinet médical, mais c’est la jeune femme médecin qui est l’objet de toutes les attentions des deux frères.

Jenny Davin, jeune généraliste, choisit le cabinet d’un vieux médecin officiant dans un quartier dit populaire, plutôt qu’une présence bien plus rassurante dans un hôpital chic. Car c’est bien la vie de ce médecin dans ce quartier, avec les malades à la santé des plus fragiles, âgés souvent, que la vie a rendu physiquement diminués, entre l’obésité, la marche difficile, les problèmes cardiaques, qui intéresse les frères Dardenne, lesquels veulent attirer l’attention des spectateurs sur ces zones où la culture est absente, le chômage endémique, des bâtiments à l’abandon, où la prostitution, la drogue, la délinquance ont établi leurs bases, non pas de ces quartiers de non droit dont on nous parle, mais d’un quartier ordinaire, où la vie n’est pas souvent rose.

Quant à l’histoire en filigrane, celle de cette jeune femme noire qui a sonné à la porte du cabinet médical, une heure après la fin des visites, quand le médecin et son stagiaire sont épuisés, et qu’on retrouve morte le long du fleuve, elle n’est présente dans ce film que pour servir les intérêts filmiques des frères belges, mais de manière secondaire. Ce n’est pas le thème majeur du film, même si le médecin consacre une partie de son temps à l’identifier.

Il ressort de cette plongée au cœur de ce quartier que la vie n’est rose pour personne : le médecin qui n’ouvre pas sa porte et qui s’en veut, le stagiaire à l’enfance compliquée, l’ado Bryan au lourd secret et sa mère, tous traînent un boulet qu’ils ont en tête et qui ne veut pas disparaître. Tel est le sens du film, à mon sens.

Adèle Haenel, présente depuis plusieurs années sur les planches du Centre Dramatique National d’Orléans, a été choisie par les frères pour interpréter le rôle. Autant dire qu’elle s’en sort particulièrement bien, notamment dans les soins qu’elle administre aux malades. Toujours filmée de très près, de face, de profil ou de dos (mais on a l’habitude avec les frères double palmés), elle tient l’écran quasi constamment, et de belle manière.

Encore un oubli du Jury Cannois, même s’il ne constitue pas un scandale. Mais il est aussi vrai que la famille Dardenne a de quoi remplir ses étagères de prix récoltés à Cannes, encore que cela fasse deux fois qu’ils repartent bredouilles. Pour « Deux jours, une nuit », avec Marion Cotillard, c’en était scandaleux !

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