samedi 1 octobre 2016

Résistance face à un promoteur à Récife

Aquarius, le dernier long métrage du réalisateur brésilien Kleber Mendonça Filho, long de 2 heures 25, présenté en compétition officielle à Cannes, est à la fois un film sociétal et un film politique.

Film sociétal donc, dans la mesure où nous sommes immergés au sein d’une famille à Récife, appartenant à la classe moyenne. Certes, Clara, un peu plus que la soixantaine, habite un appartement situé dans un petit immeuble de peu de valeur financière, même s’il domine la plage, mais elle possède cinq autres logements dans la ville. Veuve, vit avec elle, une femme qui s’occupe de la maison, du ménage, des repas… Ses trois enfants, deux jeunes hommes et une jeune femme, ont l’air d’être relativement à l’aise financièrement.

Nous suivons donc pas à pas Clara. D’abord, jeune, la trentaine, on fête l’anniversaire d’une tante. Son mari parle alors de la lutte qu’elle a menée victorieusement contre un cancer, avec ablation d’un sein (nous le saurons plus tard). Trente ans après, la voilà donc veuve, ses enfants devenus adultes, en quête parfois de relation sexuelle, faisant la fête dans une boîte en compagnie de ses copines, sur la plage se baignant, écoutant ses vieux vinyles, dansant seule chez elle.

Tout irait pour le mieux si un promoteur ne s’était mis en tête de racheter tous les appartements, pour faire du lieu, sans doute, un immeuble de luxe, comme ils fleurissent le long de la côte. Mais son logement, Clara y tient comme à la prunelle de ses yeux : c’est là que ses enfants ont été élevés, qu’elle a connu l’amour avec son mari parti trop tôt. Et rien ne la fera céder, même pas sa fille qui lui explique que les deux millions qu’on lui propose, c’est beaucoup d’argent.

La tension entre Clara et le promoteur va s’exacerber, ce dernier capable de coups tordus dont je ne dévoilerai rien ici. C’est le volet politique du film, où Mendonça Filho dénonce les pratiques fascistes de ceux qui expulsent pour rebâtir et faire du fric, au mépris de la vie des familles qu’on jette à la rue, et qui ne pourront se loger que loin du centre-ville devenu trop cher. Clara qui a vaincu un cancer, alors jeune, affronte un non moins redoutable ennemi, le fric : sans doute, sa victoire contre la maladie l’a préparée à lutter contre cet autre adversaire, le cancer apparaissant comme une métaphore de la dernière scène du film, dont je ne dirai rien, promis !

C’est bien filmé, quoique sans excès, parfois on filme les pieds sans qu’on sache trop pourquoi. Mais certaines scènes marquent profondément le spectateur. J’en veux pour preuve, celle où la mère et ses trois enfants se réunissent pour parler : le face à face mère/fille est d’une tension extrême. Quant à l’interprétation de Clara par Sonia Braga, elle est tout simplement criante de vérité, d’une justesse et d’une sobriété absolue. Elle aurait bien mérité un prix d’interprétation féminine. Mais les décisions du Jury cannois sont souvent d’une obscurité divine.

PS1 : Je n’ai pas mis l’affiche officielle car ce film ne provoque ni la danse, ni le rire, ni les larmes, comme c’est écrit sur l’affiche. Décidément, les diffuseurs ne semblent même pas visionner les films.

PS2 : Mendonça Filho nous informe que le nouveau gouvernement, issu du coup d’état parlementaire, a supprimé le Ministère de la Culture. Tout un programme.

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