Ken Loach a obtenu lors du dernier Festival de Cannes, sa seconde Palme d’or pour son dernier film, « Moi, Daniel Blake », après « Le vent se lève » en 2006. Ajoutons 3 Prix du Jury, cela fait du réalisateur britannique, l’un des plus couronnés à Cannes.
Je ne discuterai pas de la valeur de cette palme : le Jury en a jugé ainsi. A chacun son opinion.
En fait, le film met en scène deux personnages principaux, Daniel Blake bien sûr, et Katie. Le premier est âgé, il a perdu sa femme longtemps malade et dont il s’est beaucoup occupé, il sort d’une crise cardiaque qui aurait pu lui être fatale. Il est menuisier de profession, mais sait tout réparer, sauf les ordinateurs car il ne comprend rien à l’informatique. La seconde est mère célibataire, a deux enfants et arrive de Londres où les loyers sont trop chers.
Tous deux sont au chômage. Pour Daniel, toucher des indemnités relève du royaume d’Ubu, car, là-bas, Pôle Emploi britannique a été confié à une société privée dont le rendement des employés est le seul et unique critère de la direction. Quant à Katie, ne trouvant rien, même pas de ménages, elle recourt aux soupes populaires, et in fine, pour nourrir ses enfants, à la prostitution. Tous deux se rencontrent fortuitement et vont s’entraider, lui s’occupant des enfants, elle l’accompagnant lors de la contre visite pour obtenir des indemnités pour invalidité.
Ken Loach dresse un terrible réquisitoire contre la société libérale des Conservateurs (on entend Daniel pester contre les Tories), mais sans montrer à l’écran ceux qui s’enrichissent sur le dos des plus nombreux. Seuls apparaissent, ceux en bas de l’échelle qui n’ont plus rien, et ceux juste au-dessus d’eux, avec un emploi, et qui doivent obéir au doigt et à l’œil au supérieur invisible, sur lequel on se doute bien qu’à son tour, un autre supérieur veille, et ainsi de suite.
Loach montre la solidarité des petits, des « sans dents », de ceux qui n’ont plus que la débrouillardise pour vivre, tel ce jeune qui vend des chaussures de sport sur le trottoir, reçues directement de Chine, au prix de 80 £, alors que les mêmes sont en rayon à 150 £. Ce sont ceux-là que Loach fait vivre à l’écran, ceux du dessus apparaissant comme des robots dénués de sensibilité. On a ainsi le sentiment que Loach ne voit la solidarité que chez les « tout petits », ceux qui n’ont plus rien. Quoique la scène où Daniel tague le mur du « Pôle emploi » britannique est assez mystérieuse dans la mesure où sur le trottoir d’en face, un groupe de jeunes femmes, affublées de longues oreilles de lapin, crient leur joie : humour tout britannique ? ou !
Les deux acteurs interprétant Daniel et Katie sont excellents, dégageant une émotion profonde, le film alternant les séquences humoristiques, ubuesques, et les moments terribles, comme lors du passage à la soupe populaire. C’est fort bien mis en scène, sans longueur. Film choc, et qui aurait pu être tourné en France, tant les situations sont interchangeables.
Film à voir en VO évidemment.
PS : Je reste abasourdi devant la version française diffusée dans certains cinémas, ceux des multiplexes, où sans doute, l’on se rend dans la salle muni d’un gros sachet de pop corn et d’un soda. Mais comment Ken Loach a-t-il pu autoriser une telle bêtise ?
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire
Remarque : Seul un membre de ce blog est autorisé à enregistrer un commentaire.