J’attendais avec autant d’impatience que d’enthousiasme, la projection de « Toni Erdmann », long métrage (2 heure 42, c’est vraiment du long) de la réalisatrice allemande Maren Ade. Ce film avait reçu tant d’éloges de la critique cannoise, il s’annonçait hilarant, novateur, euphorisant, on allait hurler de rire, il allait recevoir la Palme, c’était quasi sûr… J’ai vu, j’ai souri, pas plus, je n’ai pas dormi c’est déjà ça, j’ai passé un agréable moment, quelques scènes jouissives parsèment le film. Mais de là à en faire « la Palme de la Presse et du Public », il y a un fossé que même avec mes grandes jambes, je ne puis franchir !
Ines (Sandra Hüller) a la quarantaine, célibataire sans enfants, elle conseille les PDG en matière « d’externalisation » des entreprises afin de licencier un max de salariés sans que cela ne retombe sur le dos du PDG, c’est elle et son patron qui en assurent la responsabilité morale. Elle travaille à Bucarest et fréquente un « micro-monde » fait de boîtes de nuit, sexe, alcool, drogue, fric, hôtels de luxe, voitures avec chauffeur…, le monde de l’affairisme, de la mondialisation, de la finance, du profit capitaliste, le monde qui réduit des milliards d’êtres humains à la pauvreté sous toutes les latitudes.
Son père, magnifique Peter Simonischek, vit en Allemagne. C’est un blagueur invétéré. La première partie du film le voit multiplier ses facéties avec son entourage. Celle avec le facteur, au tout début, est des plus incroyables. Cet homme, plus tout jeune, à la santé délicate, s’amuse avec la société qui l’entoure.
A la mort de son vieux chien, le voici qui débarque à Bucarest sans prévenir. C’est un peu comme lancer un chien dans un jeu de quilles, selon l’expression, et sans jeu de mot. Qu’il soit présenté comme le père d’Ines au début, puis comme ambassadeur d’Allemagne, ou coach de hautes personnalités, je laisse à chacun le soin de découvrir le film. Le spectateur suit avec intérêt l’évolution d’Ines, au début gênée par la présence paternelle, et peu à peu gagnée par le côté burlesque, héréditaire peut-être, au point qu’elle va improviser son propre anniversaire totalement excentrique.
In fine, je me suis demandé quel était l’objectif de Maren Ade. Nous plonger dans l’univers de ceux qui dirigent la planète du libéralisme financier, certes, et le dénoncer. Nous faire réfléchir sur ce qu’est le bonheur (question posée par le père à sa fille), et sur la vie qui passe, faite de petites choses, qu’on oublie, ou dont on se souvient pour toujours. Nous attendrir sur les relations entre un père pittoresque et une fille qu’il ne voit plus guère, mais qu’il voudrait retrouver avant de mourir. Sans doute y a-t-il un peu de tout cela dans l’œuvre de la réalisatrice allemande. Un film intelligent certes, de l’humour, des sentiments, de l’émotion, mais sans plus, et en aucun cas, le chef d’œuvre de la décennie comme annoncé par la critique.
Et puisqu’on est en Roumanie, « Sieranevada » du roumain Puiu, sorti quinze jours plus tôt, et présent aussi à Cannes, avec 11 minutes de plus (on frôle là les trois heures), est autrement plus jouissif !
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