jeudi 21 juillet 2016

Une histoire russe dans un lieu féérique

La carrière de Boulbon est, comme son nom l’indique, une ancienne carrière de pierres, avec une falaise d’une hauteur phénoménale. Le soir, le soleil illumine le haut de cette muraille, créant ainsi un spectacle fabuleux. Elle se situe à une quinzaine de km d’Avignon, dans le département des Bouches du Rhône. Après la route, on y accède par un chemin de terre et de pierrailles, long de plusieurs centaines de mètres, à travers la pinède. Elle est utilisée depuis 1985 par le Festival d’Avignon. Une immense scène et des gradins, lesquels font face à la falaise, occupent le lieu. On ne saurait imaginer lieu plus féérique !

Cette année, le metteur en scène Jean Bellorini, Directeur du CDN de Saint-Denis, crée « Karamazov », d’après le roman presque éponyme de Dostoïevski. Spectacle au long cours, d’une durée de cinq heures, sans compter l’entracte, ce qui prolonge la veillée jusqu’à 3 heures du matin. Mais dans une nuit sans Mistral, et un ciel où règne la pleine lune, le public est aux anges !

C’est l’histoire d’un père et de ses trois fils, plus un autre illégitime.  L’aîné, Dimitri, dont le rôle est tenu avec fougue par un acteur noir, Jean-Christophe Folly, magnifique de présence sur scène ; le second, Ivan (Geoffroy Rondeau) formidable dans son discours à Dieu d’une demi-heure ; Aliochka (François Deblock), qui voulait entrer dans les ordres pour fuir la famille sans doute ; le père exceptionnel face à ses fils (Jacques Hadjaje) ; enfin, les deux femmes, Grouchenka (Clara Mayer) qui pourrait coucher avec tout le monde, et la sublime Katerina Ivanovna (Karyll Elgrichi). Sans oublier la récitante (Camille de la Guillonnière) qui nous présente d’entrée le tableau de bord, d’une voix haut perché, avec un brin d’humour.

Il y a dans la mise de scène de Bellorini, des moments particulièrement forts, tenus par des acteurs à la très forte présence scénique, mais sans doute aussi une dernière partie un peu longue et qui aurait mérité quelques coupures afin d’alléger le dessert. Il y a aussi quelques instants d’humour avec « Tombe la neige », ce qui en ce mois de juillet procure un peu de fraîcheur, ou le meurtre du père conté sur un air inattendu, et c’est peu dire… On a même eu une sorte de fanfare rappelant de loin, celle de Kusturica.

Les rails au sol qui permettent des va-et vient sur scène, les cabines en verre, tout cela est inventif et de bon aloi ; l’espace scénique est occupé magistralement avec des scènes sur la toiture de l’habitation, jusqu’aux visages des acteurs projetés sur la falaise durant du procès concernant le meurtre. Manque-t-il un brin de folie qui aurait fait de ce spectacle, un monument théâtral ? C’est bien possible. Mais il reste cette nuit étoilée partagée avec des acteurs dans un cadre exceptionnel. Souvenir…

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