samedi 2 juillet 2016

Un drame de Musset au menu des élèves en art dramatique

Lorenzaccio, qu’Alfred de Musset a écrit en 1834, en pleine période romantique, est un des drames français les plus profonds, et les moins joués malheureusement.

On sait que George Sand, avec laquelle Musset entretenait une très forte liaison amoureuse (la rupture n’en sera que plus terrible) lui a transmis l’idée. L’histoire se déroule à Florence en 1537, ville occupée par Charles-Quint, lequel a placé sur le trône le jeune duc Alexandre de Médicis, protégé par une garnison de soldats allemands.

Lorenzo est son cousin : tous deux entretiennent une relation équivoque, relation de domination exercée par le Duc, sexuelle c’est bien possible, Lorenzo étant aussi une sorte d’espion chez les républicains, il s’en vante, mais aussi d’agent double au service de ces mêmes républicains qu’il appellera, en vain, à se soulever après le meurtre. C’est enfin celui qui ne porte pas d’épée (on nous dit qu’il a peur de l’ombre de cette arme), mais au final, il tue le Duc avec un poignard au cours d’une scène de sexe. C’est donc un personnage aux multiples facettes, qui devrait faire les délices des psychanalystes.

On sait aussi que Musset fut dépité par la tournure qu’ont prise les journées révolutionnaires de 1830. Dans le drame qu’il écrit quelques années plus tard, il montre le peuple florentin refuser l’idée même de meurtre, refuser de se soulever contre la tyrannie, et in fine, c’est le peuple lui-même qui trucide Lorenzo et qui jette son corps dans la lagune : « Pas même un tombeau ! ». On pense évidemment à Robespierre, au soir du 9 thermidor, qui fut abandonné des sans-culottes, lassés par tant de sang. Le peuple aime la démocratie (quand elle n’est pas confisquée) et rejette la violence, arme des puissants de ce monde.

Sur scène, treize acteurs, étudiants  du Conservatoire d’Art Dramatique d’Orléans, dans une mise en scène de Gérald Garutti, lequel s’est inspiré de son Lorenzaccio qu’il avait lui-même créé en 2015. Mise en scène sobre, mais diablement efficace ! Quatre ou cinq fenêtres en bois, fermées par du papier opaque, que les acteurs utilisent au gré des scènes. On écrira dessus les mots « République, vertu, corruption… », l’artiste dessinera la ville de Florence. Derrière ces panneaux, une batterie est accompagnée par une guitare électrique et un orgue qu’utilisent les acteurs eux-mêmes, totalement polyvalents.

Trouvaille assez géniale (du metteur en scène ?), mais qui peut dérouter le spectateur, plusieurs acteurs et actrices (je ne les ai pas comptés) tiennent le rôle (les rôles devrais-je dire) de Lorenzo, personnage comme je l’ai écrit plus haut, aux multiples facettes : à chaque visage de Lorenzo correspond celui d’un acteur/actrice ! Quant au 5ème acte, après le meurtre, assez fade m’est-il apparu, il aurait pu être plus enlevé, faisant intervenir le peuple lors de la mise à mort de Lorenzo, peut-être en utilisant les ombres chinoises au travers des panneaux.

Ceci dit, les treize étudiants en art dramatique ne semblent pas tous et toutes au même niveau de compétences : beaucoup ont toutes les capacités pour poursuivre une carrière d’acteur professionnel, mais pas tous. Mais c’est normal dans une école. En tout cas, le niveau d’engagement est excellent. Chapeau !

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