mardi 19 juillet 2016

Marche claudicante sur l'état du monde qui ne va pas bien

Marie Chouinard est une chorégraphe québecquoise, peu connue en France, alors qu’elle vient d’être nommée Directrice de la danse à la Biennale de Venise. Elle crée sa propre compagnie en 1990 à Montréal. A son actif, entre autres chorégraphies, pour ce qui nous parle, un Sacre du Printemps en 1993, un Prélude à l’après-midi d’un faune en 1994, Orphée et Eurydice en 2008. Aujourd’hui, elle présente en Avignon, dans le cadre du festival officiel, le In, dans la cour du lycée St Joseph, « Soft Virtuosity, Still Humid, on the Edge », pièce créée en 2015 à Stuttgart. Titre mystérieux. J’avoue qu’après la représentation, il demeurera pour moi tout aussi mystérieux ! Marie Chouinard nous dit qu’en répétition, elle avait été intéressée par ce thème, « soft virtuosity » et avait utilisé le terme en anglais alors qu’elle pense en français. L’expression est restée.

La cour du lycée St-Joseph, immense, est utilisée à plein, par la scène et des gradins. En fond de scène, les fenêtres, surmontées d’un arc en demi-cercle, sont obstruées, conférant au mur, un aspect quelque peu mystérieux, voire inquiétant que la nuit tombante accentue.
Sur le plateau, de chaque côté, deux énormes blocs noirs d’où semble émerger le son.

Deux danseurs entrent sur le plateau, puis d’autres, dans une démarche claudicante, vont et viennent de droite à gauche, certains dans des postures effrayantes, de plus en plus vite. La bande son nous livre le vrombissement d’avions de plus en plus proches. Pendant ce temps, deux autres, très jeunes, assis sur un petit plateau tournant, enlacés, sont filmés, leurs visages projetés sur le mur, multipliés à l’infini.

Les tableaux se succèdent, mais toujours les démarches chancelantes reviennent comme un leitmotiv.
Survient vers la fin un tableau saisissant : les dix danseurs se retrouvent en fond de scène, les uns contre les autres, dans un chaos impressionnant, bientôt immobiles. La caméra projettent, avec une extrême lenteur, leurs visages sur le mur, les uns inexpressifs, d’autres terrorisés, d’autres enfin rieurs. On les pense immobiles. Mais subitement, on s’aperçoit que le groupe se déplace imperceptiblement. Est-ce le radeau de la Méduse, ou un bateau de naufragés en Méditerranée ?
Enfin, une femme nue, recouverte d’une fine tulle blanche, pénètre sur le plateau. Est-ce une nymphe qui commence sa métamorphose ?

Il me semble que Marie Chouinard nous montre la dérèglementation du monde, avec ses guerres, sa folie, ses chaos, ses migrations. L’espoir à la fin est-il permis ?

Le public applaudit chaleureusement, les bravos fusent. Mais certains spectateurs restent de marbre.
La nouvelle Directrice de la Danse de l’ONP serait bien inspirée d’aller voir du côté du Québec et d’inviter celle qui bouge tous les codes de la danse contemporaine.

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