dimanche 17 juillet 2016

Les Damnés d'hier et aujourd'hui

Pari gagné pour Ivo Van Hove et la troupe de la Comédie Française, dans la mise en scène des Damnés dans la Cour d'Honneur, d’après le scénario du film de Visconti sorti sur les écrans en 1970.

Lente descente aux enfers d’une famille industrielle durant la montée du nazisme dans les années 30. Il y a là le grand-père dont la sauvegarde de l’entreprise constitue, de son propre aveu, l’objectif n°1, quitte à s’asseoir sur sa morale. Il sera le premier exécuté. Le fils est mort en « héros » au cours de la grande guerre. Son épouse a mis au monde l’héritier, le dégénéré de la famille. Et d’autres, cousins, amants, SA ou SS pour certains, les autres avides du pouvoir dans l’entreprise et prêts à tous les crimes, sauf un qui préfère fuir en laissant femme et enfants. La mort les attend tous, expédiés dans les cercueils qui trônent sur la droite de la scène.

Au centre, un écran géant présente en gros plans, les visages des uns et des autres, filmés sur scène par deux caméramen. Un immense tapis orange recouvre le plateau, couleur des flammes de l’enfer.

Le spectateur sort, subjugué par d’incroyables trouvailles de mise en scène, tels les visages des morts dans les cercueils qui se tordent d’horreur, ou la nuit orgiaque des SA qui signe leur arrêt de mort. Ici, Denis Podalydès est un géant. On citera aussi Eric Gévonèse en une sorte de « parrain » tôt disparu, Guillaume Gallienne en amant de Sophie, assoiffé de pouvoir, Christophe Montenez dans le rôle de Martin, le fils dégénéré, seul survivant au massacre, et surtout Elsa Lepoivre dans celui de Sophie, la veuve du héros et mère du précédent, belle comme une étoile, carnassière, mais qui tombera aussi.

A chaque meurtre, l’ensemble des acteurs, est réuni face aux spectateurs, pendant qu’on emmène le cadavre dans son cercueil. La caméra balaie le public dans un face à face où le metteur en scène met chacun face à ses responsabilités morales. C’est fort !

In fine, un des seuls survivants, jeune SS, le nouvel homme fort de l’entreprise, nu, récupère les cendres des morts dont il se couvre, avant dans un tableau final, de tirer à la kalachnikov sur le public dans un jeu d’ombre et de lumière. Le lien avec le drame du Bataclan est là ! Car l’horreur est toujours de ce monde, chacun le sait.

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