Disons-le tout net : Insiang est un monument cinématographique !
Tourné en 1976, et présenté au Festival de Cannes dans la sélection de la Quinzaine des Réalisateurs en 1978, ce long métrage de Lino Brocka* (qui connaît ?) se déroule dans un bidonville aux Philippines. Brocka ouvre son film par une métaphore : la première séquence est tournée dans un abattoir de porcs, images choc ! L’une des dernières séquences montre « l’abattage » d’une sorte de cochon humain. Le lien est terrible !
Une femme d’un certain âge, Tonya, vendeuse de poissons, dirige sa maison d’un main de fer, après la fuite du mari. Elle surveille sa fille, Insiang, qui n’est pour elle que la fille de son père, et passe le plus clair de son temps à crier après le reste de la famille qui s’est installée chez elle, famille qu’elle finira par chasser. Survient un jeune truand qui séduit la mère afin de pouvoir profiter de la fille. Comme on le sait, la vengeance est un plat que se mange froid. Bientôt, le venin sera inséré dans la plaie, et malheur aux hommes/cochons qui ne respectent pas la jolie Insiang.
Le duo mère/fille, interprété respectivement par Mona Lisa et Hilda Koronal, est éblouissant. Si la première actrice tournera quelques années plus tard dans un film de Claire Denis, la seconde ne laissera aucune autre trace cinématographique, et c’est bien dommage, tant elles crèvent littéralement l’écran, notamment la mère, Mona Lisa (nom prédestiné ?, nom d’emprunt ?), formidable en dame de fer, qui fait régner une sorte de terreur chez elle, et qui met toujours à exécution ses menaces.
Le film est tourné en décors réels, un bidonville à Manille, avec ses couleurs, ses cris, ses petits marchands, ses chômeurs qui errent, ses trafics en tous genres, et toute ce petit peuple qui, à l’époque, était oppressé par une dictature sanglante. En ce sens, le film est aussi documentaire. Monsieur Lino Brocka, vous étiez un génie du cinéma !
Saluons encore une fois ceux qui restaurent les films qui ont marqué l’histoire du 7ème art, la World Cinema Foundation présidée par Martin Scorsese, les studios de Bologne qui ont recréé une véritable œuvre d’art tant la restauration est parfaite, alors qu’on nous dit que ce qui restait de la pellicule était dans un état pitoyable, ceci tant pour l’image que pour le son, ainsi que la société de diffusion Carlotta. Merci à eux tous sans qui Insiang aurait disparu du monde de l’art cinématographique.
* Décédé en 1991 aux Philippines, dans un accident de voiture, peut-être provoqué, on ne saura jamais...
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