La Mouette, pièce la plus connue de Tchékhov, est donnée actuellement à l’Odéon, dans une mise en scène de l’allemand Thomas Ostermeier, lequel reviendra dans ce théâtre en juin 2017 présenter son Richard III, version plus ou moins rock, qu’il avait donné en Avignon en 2015.
La Mouette, c’est une pièce en 4 actes, située dans un milieu intellectuel de la Russie contemporaine de l’auteur, ni pauvre, ni riche, parlant art et plus particulièrement théâtre, qu’il soit conventionnel ou d’avant-garde, cela fait débat dans la pièce, « des formes nouvelles, voilà ce qu’il nous faut » assène Treplev, et mêlant les amours croisés, manqués, ou perdus des différents personnages.
En prélude, est affiché en fond de scène : « Mon œuvre entière est imprégnée du voyage à Sakhaline. Quand on est allé en enfer, on voit le monde et les hommes d’un autre regard. » Effectivement, le dramaturge russe s’est rendu dans ce bagne, en 1890, situé à l’extrémité Est de la Russie, voyage qui semble l’avoir marqué durablement. Voir à ce sujet le beau film de René Féret, sorti en 2015.
Ostermeier a fait le choix d’une mise en scène lente, où chacun intériorise son texte. Ici, on ne jette rien à la figure du spectateur, au contraire, tout est soupesé, la moindre réplique est digérée avec délicatesse avant d’être proposée au public. On ne pourrait que souscrire au projet du metteur en scène, si cela ne soulevait un problème de taille, car au-delà des premiers rangs, on peine à tout comprendre. L’Odéon est immense ! Et bienheureux ceux qui, comme moi, ont lu et se sont imprégnés de la Mouette. Sinon, beaucoup ont dû se poser bien des questions. Car l’art de l’acteur, c’est de s’exprimer de façon à être compris de tous ! Premier précepte à enseigner dans les écoles de théâtre.
Puis, on ne peut passer sous silence, les diverses digressions, dont on ne sait trop à qui en revient l’initiative. Ironiser sur les « tics » actuels du théâtre contemporain, tels les acteurs nus sur scène qui miment des gestes obscènes (fait-il allusion à « Je suis Fassbinder » joué en ce moment à la Colline ?), ou les salles vides qu’on remplit avec les scolaires, lesquels au bout de 3 représentations sont perdus à jamais pour le théâtre… C’est un peu plus compliqué que cela, mais on peut souscrire, d’autant que Tchékhov pose dans la Mouette, la question de l’art vivant. Encore qu’il aurait pu aller bien plus loin, parler des intermittents, des subventions qui disparaissent à toute allure, et j’en passe… Mais nous parler les réfugiés syriens (là aussi, ça doit être un tic de metteur en scène dans les théâtres publics puisqu’on a la même chose avec Nordey et Richter), cela pourrait être, à la rigueur, perçu encore positivement si le taxi syrien duquel il nous parle avait été un taxi Uber, à l’heure de la contestation sociale. Mais voir Valls, à la fin du 1er acte, venir sur scène pour nous dire que le 49.3, c’est de lui, cela n’a ni queue ni tête ! Globalement, il en dit trop ou pas assez.
Côté acteur, François Loriquet est superbe, en Trigorine, écrivain à la mode qui en impose, aimant Irina Arkadina (Valérie Déville) avant que Nina (Mélodie Richard) ne lui tombe dans les bras. J’ai un peu moins adhéré au rôle de Matthieu Sampeur en Treplev, le pantalon de survêt et les baskets faisant plutôt penser à un jeune paumé de nos cités, même si son duo avec Nina au 1er acte a quelque chose de profondément émouvant, tous deux baignés de sang, métaphore qui peut signifier la mort du théâtre, ou celui de leurs amours.
Et la mouette, me direz-vous ? Quand Nauzyciel en faisait un élément fondamental de son spectacle, Ostermeier la réduit a un morceau de plastique jeté au sol. Approches différentes, comme pour le coup de pistolet que Nauzyciel plaçait au tout début du 1er acte, et que Ostermeier maintient à la fin. Finalement, mis à part les digressions dont j’ai parlé, c’est une mise en scène relativement sage offerte par le Berlinois que le public parisien (et pas que…) a saluée chaleureusement.
En conclusion, un conseil : lisez et relisez l’œuvre avant de vous rendre à l’Odéon, ou ailleurs en tournée… !
J'ai vu la pièce hier soir, à Perpignan. J'adhère tout à fait à ce commentaire critique. Et j'ajoute ma gêne devant le jeu de Mélodie Richard (Nina) que j'ai trouvé fade et sans grandes nuances - notamment entre la gamine du début et la femme qui a souffert à la fin. Et elle, alors, ferait bien d'apprendre à porter sa voix.
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