Café Society, de Woody Allen, ouvre le festival de Cannes, hors compétition puisque l’homme refuse que ses films soient palmés, ou rejetés, allez savoir… Il considère qu’on ne peut pas comparer des œuvres d’art. C’est son droit évidemment.
Il y a de cela fort longtemps, j’ai entendu un écrivain déclarer qu’on ne pouvait plus écrire, mais seulement faire de la réécriture. C’est à cela que j’ai pensé en voyant le dernier né de WA.
On connaît « les Affinités électives » de Goethe, et le code AB et CD qui éclate en AD et BC. Ici, dans Cafe Society, on a au départ A, homme mûr et marié à B, et qui aime C, jeune femme d’une grande beauté. Survient D, le neveu de A, qui aime aussi C. Quant à C, elle aime autant A que D. Que choisira C, entre l’homme mûr et très riche, prêt à divorcer, et le jeune homme, beau, mais sans argent ? Nous sommes à Hollywood au début des années 30 : réponse facile !
Cette société hollywoodienne m’a fait aussi songer aux « Prépondérants », roman de Hédi Kaddour, sorti en 2015. Là, nous sommes au début des années 20, quelque part en Tunisie, et débarque toute une équipe de cinéastes, venus d’outre Atlantique pour tourner dans ce qui était alors un protectorat français. On retrouve la même ambiance, les mêmes conflits, des personnages semblables, dans le roman ou dans le film.
Sans doute, Woody Allen n’a pensé ni à Goethe, ni à Kaddour. Je l’absous à ce sujet, quoique…
C’est fort bien filmé, la photographie d’une grande luminosité due à Vittorio Storaro, le scénario nous tient en haleine, tout s’emboîte magnifiquement, et les acteurs sont au sommet, notamment Kristen Stewart et Jesse Eisenberg, en C et D. Ajoutons aussi Stephen Kunken en intello communiste, qui refuse toute violence, qu’elle soit morale ou physique.
C’est la peinture d’une famille US des années 30, de confession juive, avec ses blagues marrantes. Il y a le père, figure haute en couleurs, sa femme Rose, et leurs enfants : la fille mariée à l’intello, le gangster qui finira sur la chaise électrique, et le petit dernier qui s’en va trouver son oncle à Hollywood pour avoir du boulot, mais qui ne trouvera qu’une jolie femme.
Allen traite dans son long métrage, des liens charnels qui auraient pu se tisser, mais qui ne se sont pas faits, et qu’on regrette plus tard. A ce sujet, la dernière scène, lors du réveillon de la Saint Sylvestre, où Bobby (D) et Vonnie (C), chacun de leur côté, semblent rêver à ce qu’aurait pu être leur vie, est empreinte à la fois de beauté et d’infinie nostalgie.
Reste qu’on se demande dans quelle catégorie classer ce film. Il y a un peu de tout ici, le romantisme, le genre thriller, le conte aussi, car Allen ne nous emmène pas dans les milieux pauvres de l’Amérique, mais au contraire là où le fric coule à flots. Mais puisqu’il nous dit que « la vie est une comédie », prenons son œuvre avec humour, Ça fait infiniment de bien par les temps qui courent !
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