jeudi 21 avril 2016

"Bourlinguer" au jardin de son enfance napolitaine

L’ATAO* présentait, ce mercredi soir, son dernier spectacle de la saison à la salle Gérard Philippe : Bourlinguer, d’après le roman de Blaise Cendrars, dans une mise en scène de Darius Peyamiras.

Bourlinguer est le récit, plus ou moins autobiographique, d’un homme qui parcourt les ports maritimes en Europe. Il comprend onze chapitres, dont « Gènes » qui marque le sommet du recueil nous dit Wikipedia, ce qu’on est tenté de croire après avoir entendu de la bouche de l’acteur, une prose si riche, si dense, verdoyante, aux mille couleurs de l’Italie napolitaine.

Sur scène, un homme seul, le comédien Jean-Quentin Châtelain, suisse tout comme l’était Cendrars dans sa jeunesse avant de prendre la nationalité française après avoir été grièvement blessé en 1915 et avoir perdu la main droite. Sont-ce ces mêmes origines helvétiques qui font que Châtelain s’identifie tellement à l’auteur du récit, avec son accent traînard ?

Châtelain est là, vêtu d’une sorte de gabardine, il n’en bougera pas de plus d’une heure, planté sur un grand disque légèrement incliné, sorte de roue, métaphore de la vie qui tourne et qui revient inéluctablement, dans une sorte d’incantation chez Châtelain, réveiller les souvenirs enfouis. La roue, thème récurent du spectacle, c’était aussi le titre d’un film d’Abel Gance sorti en 1924, et dont l’assistant du réalisateur n’était autre que Blaise Cendrars.

Les mots jaillissent, coulent, nous submergent, tel un fleuve bouillonnant. L’homme, avec son épine d’Ispahan, revient vers Naples, où il a vécu enfant. Les souvenirs lui reviennent, le bouleversent, car dit-il, « il ne faut jamais revenir au jardin de son enfance qui est un paradis perdu, le paradis des amours enfantines ». Il nous parle d’Elena, la petite fille d’un riche photographe, avec laquelle il collectionnait les escargots par milliers, alignés et suspendus sur des bouts de ficelle, et qui est morte par la balle d’un chasseur anonyme, les funérailles de la petite… Son chien Leone, écrasé par un tramway tiré par des mules… Cette vieille femme habitant « une maisonnette enfouie sous le jasmin et l’héliotrope », qu’il observait avec Elena… Le tombeau de Virgile à vendre… L’enclos de son enfance, la porte « toute rafistolée de pièces de bois », qu’on pousse du genou, « cigales étourdissantes, chaleur, chênes verts et lentisques ».

Châtelain et Peyamiras nous offrent ainsi plus d’une heure de rêve napolitain, au gré d’une écriture si belle, si chaude, si latine. Un grand moment théâtral et un acteur dont il convient de saluer la performance devant laquelle on ne peut que s’incliner !

* L'ATAO est une association de spectateurs orléanais, fondée en 1970, et dont le but est de diffuser des oeuvres théâtrales dans des mises en scène contemporaines.

1 commentaire:

  1. Je me doutais bien que j'allais manquer quelque chose de bien en renonçant à ce spectacle pour je ne sais plus quel impératif municipal...
    Balise Cendrars, Jean-Quentin Chatelain, Darius Payramiras: vivent.... les Trois Suisses!!!!!!!

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