Le CDN d’Orléans poursuit sa tournée des CDN frères. Cette semaine, c’est au tour du CDN de Valence (Drôme), et de son Directeur Richard Brunel, de poser ses valises dans la cité du Val de Loire.
Quand Bernard-Marie Koltès écrit « Roberto Zucco » en 1988, sa dernière pièce, un an avant sa mort (le Sida faisait des ravages dans le monde de la culture en ces années-là), il ne se fait plus guère d’illusions, ni sur lui-même, ni sur la société qu’il dépeint dans cette pièce sous les pires noirceurs, quand il fait dire à RZ « qu’il n’y a plus d’amour dans cette société, personne n’aime plus personne ».
Quand débute la pièce, le héros éponyme s’évade de prison, il est déjà parricide, il arrive chez sa mère qu’il tue. Par la suite, il assassinera un policier, un adolescent et sera l’auteur d’un viol. On ne peut trouver être plus abject. RZ est interprété par l’acteur Pio Marmaï, bondissant sur scène, inondant le plateau de toute sa verve, de tout son dynamisme, embrassant le théâtre de toute sa prestance.
Les personnages qui l’entourent, dans cette micro-société, illustrent la décadence peinte par Koltès. Il y a là une famille avec des parents quasi inexistants, et une « gamine » qui n’en est déjà plus une, protégée par une grande sœur, et tabassée par un grand frère, lequel la vendra carrément à un mac lorsqu’il apprendra qu’elle n’est plus vierge. Noémie Develay-Ressiguier incarne cette adolescente qui s’éprend de Zucco, avec beaucoup de fougue, totalement investie dans ce personnage aux multiples facettes. Et puis, il y a aussi cette femme chic, pleine de fric, que tout le monde prend pour une idiote, et qui trouve en Zucco, quelqu’un qui s’intéresse à elle, qui l’écoute. Luce Mouchel qui interprète le rôle, fait preuve d’élégance dans ce monde qui n’est pas le sien. Au final, ce sont les prostituées qui apparaissent les moins instables.
Brunel a, il me semble, totalement compris la logique de Koltès, notamment lors de la mort du fils de la femme chic, quand des morceaux de sacs poubelle descendent des cintres, métaphore de la pourriture de la société, ces mêmes sacs poubelle volant au vent lorsque tous s’acharnent sur le corps de Zucco après sa deuxième évasion ponctuée par son suicide.
Du grand et beau théâtre, même s’il fut objet de scandale lors de sa création puisqu’il s’inspire de faits réels, et même s’il est légitime de s’interroger encore aujourd’hui, sur l’opportunité de la mise en scène de cette pièce. Après tout, le monde étant un immense théâtre, on peut objecter que les personnages les plus noirs ont droit de cité sur les planches. On ne s’offusque pas d’un Richard III, Zucco ayant quelque chose du Duc de Gloucester, même si physiquement, Pio Marmaï est bien loin de la description du bossu boiteux.
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