Le Théâtre Clin d’œil programmait « Lilith » vendredi, dans sa petite salle surchauffée, mais si adorable de St Jean de Braye, à tel point qu’on se croirait en Avignon.
Qui était donc Lilith ? D’après la Genèse, elle fut créée par Dieu en même temps qu’Adam, donc son égale. Elle fut aussitôt répudiée et remplacée par Eve, fabriquée à partir d’une côte d’Adam, donc inférieure. Lilith est représentée en démone dans les livres saints, tandis qu’elle est élevée au rang de première femme libre par certains courants féministes aujourd’hui.
Julie Recoing, sur un texte de Hédi Tillette de Clermont-Tonnerre (c’est son nom), incarne totalement ce personnage biblique. Elle cite la Genèse, l’Ancien Testament, le Talmud, elle évoque ses rapports avec Adam, Dieu son père, et son amant Samaël qui la laissera tomber. Mais surtout, elle se montre en esprit libre, exigeant de faire l’amour dessus l’homme, et non dominée.
Le texte est entrecoupé de chansons que Julie Recoing interprète elle-même, accompagnée de deux guitaristes, évoquant les figures du féminisme à travers le temps. Pareille à la couleur de ses ongles, elle est la rouge, celle qui refuse la domination machiste, celle qui se rebelle contre les injustices. Cheveux noirs bouclés, jean et chemisier largement ouvert, d’une voix claire (au moins, elle a appris à articuler, ce qui n’est pas toujours le cas chez certains artistes), Julie Recoing nous jette au visage ce magnifique texte qu’elle a elle-même mis en scène. C’est beau, émouvant, la musique ajoutant un zeste de rock. On sort heureux.
Bravo à Gérard Audax et sa compagnie Clin d’œil qui ne sombre pas dans la mièvrerie actuelle, laquelle consiste à servir au public « de l’humour et du burlesque ». Certes, ça remplit les salles, rit qui veut, et surtout ça évite de penser !
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