L’ATAO présentait ce mercredi soir, salle Gérard-Philipe, la pièce du Congolais Julien Mabiala Bissila, « Au nom du père, du fils et de J.M. Weston ».
Ils sont deux frères ou supposés tels, on ne sait trop. Après la guerre civile (on peut toujours discuter sur le terme « civile »… ethnique sans doute… ou plutôt guerre tout court, car on sait bien que derrière les raisons invoquées se cachent toujours la quête du Pouvoir, et corrélativement, celle du fric !), ils reviennent dans leur village et recherchent la maison du père, de la mère, et d’une paire de chaussures Weston en croco… Au sol, des tas de cordages, représentant symboliquement les ruines consécutives à la guerre. Était-ce par là, ou par ici ? du côté de la « mosquée du dialogue », de l’église ou du bar ? sachant que le même bâtiment fut successivement bar, église et mosquée, et tenu par le même homme… Et pour trouver la mosquée, c’est facile, là-bas, le feu est au vert car depuis qu’il est tombé en panne, il est toujours au vert…
Si le texte fait continuellement référence à la guerre qui a détruit, et le village, et les familles, l’humour est omniprésent, à grands coups de jeux de mots, de clins d’œil, de farces. Le spectateur aurait tort d’aller chercher une histoire avec une intrigue, et un dénouement. Ici, on parle, on parlotte, on palabre… Et c’est surtout vrai lorsqu’un troisième personnage entre en scène, que j’appellerai le « palabreur », tout de rose vêtu, du chapeau aux souliers : formidable butineur des mots, il nous entraîne dans une foire de la parole, de la palabre, sautillant du rhinocéros à deux anus, à Brigitte Bardot, Messi le footballeur (pour ceux qui ne connaissent pas, et c’est leur droit), l’avenue démontée par les Chinois (ah, ces chinois, des noirs peints en jaune), le Roquefort recherché par les soldats-travestis en joueur de foot, au carré de l’hypoténuse…
Enfin, il y a un vibrant hommage à la Sape, cette habitude vestimentaire venue tout droit avec le colonialisme : car être sapé à la Versace, c’est comme le nucléaire nous dit-on, c’est utile et c’est cruel, c’est la chose et son revers…
Un spectacle qui peut dérouter, auquel nous ne sommes pas confrontés habituellement, mais un cri lancé par un artiste qui a connu la terreur, et qui dénonce avec force la situation politique actuelle dans un pays où accuse-t-il, le gouvernement n’octroie « pas un franc pour la culture », car « ils veulent régner sur un empire d’idiots et de zinzins ». C’est ça le Congo aujourd’hui, où Denis Sassou-Nguesso vient d’être réélu Président après déjà 32 ans de règne. Qui dit Mieux ? La veille du scrutin, trois journalistes français ont été tabassés dans les rues de Brazzaville.
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