« Les Délices de Tokyo », ou An en version originale, de Naomi Kawase, est un film totalement bouleversant.
Présenté dans la catégorie « un certain Regard » au dernier festival de Cannes, il convoque la beauté de la nature, des cerisiers en fleurs dont les pétales s’envolent au vent, jusqu’au feuillage roux de l’automne balayé par les rafales.
La rencontre entre une vieille femme aux mains tordues, et un jeune homme qui semble déjà las de la vie, donne naissance à de superbes gâteaux appelés « Dorayakis », fourrés au confit de haricots, dont raffolent collégiennes et adultes qui font la queue pour être servi. On a alors envie d’aller au premier restaurant japonais du coin et d’en quémander, tant ils semblent exquis. La réalisatrice, Grand Prix à Cannes en 2008, filme avec un amour qu’on devine chez elle pour les gâteaux sucrés, la confection de la pâte, dite An, par la vieille dame, qui avoue parler aux haricots comme on le ferait envers un petit enfant. C’est plein de délicatesse, de douceur, de bonté.
Cependant, les dorayakis chez Naomi Kawase, sont un prélude destiné à traiter de l’exclusion, de l’isolement et de l’enfermement à travers les deux personnages principaux du film, et un oiseau :
Tokue, la vieille dame qui parle à la lune, interprétée par Kirin Kiki qu’on a déjà vue dans les films de Hirokazu Koreeda, reléguée toute sa vie dans un sanatorium, délivre un message d’espoir et de bonté rares.
Le jeune homme, appelé Sen par les collégiennes, qui traîne un passé déjà lourd pour son âge, semble survivre entre sa petite échoppe et sa chambre, boisson et tabac à l’appui, pris à la gorge par les dettes.
Comme le canari, qui ne cesse de chanter parce que la cage dans laquelle le retient prisonnier une collégienne, est un territoire bien trop étroit pour lui.
Pendant ce temps qui s’étire, un train jaune va et vient, insensible aux drames humains qui se jouent, là, à deux pas. La présence de nombreux enfants dans le film, tel celui demandant qu’on lui lise une histoire, et ceux de la dernière séquence, jouant dans un parc, montrent que pour Naomi Kawase, tout espoir n’est pas perdu dans une société japonaise qui ne semble pas en mesure de tendre la main aux plus faibles.
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