lundi 15 février 2016

Retour vers la famille

La Tierra y la Sombra (La Terre et l’Ombre), du réalisateur colombien César Acevedo, est un film plein d’intelligence, d’une très grande sensibilité, film rendant hommage aux travailleurs agricoles colombiens, coupeurs de canne. Et c’est avec justesse que le réalisateur a reçu la Caméra d’Or lors du dernier festival de Cannes. (Rappelons que la Caméra d’Or est attribuée à un premier long métrage, choisi dans l’ensemble des films en compétition, toutes catégories confondues).

Un homme a quitté autrefois sa ferme, sa femme et son fils, ne pouvant tolérer que les champs alentours soient livrés à un « maître » et transformés en une immense plantation de canne à sucre. Il revient quinze ans plus tard, appelé en catastrophe au chevet de son fils, bien malade, les poumons envahis de la poussière de canne. Il découvre ce faisant, sa belle-fille et son petit fils qu’il n’a jamais connus. Nous sommes donc au pays de la canne, où les paysans travaillent dur, lors de la récolte, un « maître » qui les paie mal ou pas du tout, ce qui entraîne un conflit social dans cette Colombie rurale où les visages sont burinés par le soleil.

La première image, celle du retour de cet homme, le montre à pied, marchant entre deux champs de canne, un camion surgissant derrière lui et enveloppant tout d’un nuage gris. La durée de cette séquence indique que le film sera assurément lent, parce que les campagnes colombiennes ne connaissent pas le rythme infernal de la vie citadine. D’autres séquences me reviennent, tant elles marquent les esprits : celle de la construction d’une mangeoire pour les oiseaux qu’on entend, mais qu’on ne voit pas, laquelle va créer des liens affectifs entre le grand-père et l’enfant ; celle du bar où s’est rendu le vieil homme, avec son cortège de bouteilles de « cervezas », puis son départ dans la nuit, deux chiens rôdant sur la place ; l’hôpital où l’homme qu’on ne voit pas, mais qu’on entend crier, exigeant que son fils soit hospitalisé ; le cerf-volant offert par le grand-père à son petit-fils, volant haut dans le ciel, « métaphorant » l’âme de son père montant au ciel ; la préparation du corps du défunt avec le lavage des pieds et des mains accompagné de tendres et d’infinies caresses ; et surtout, sans doute l’image la plus forte, l’enfant, le visage exprimant une terrible douleur en entrant dans la chambre mortuaire où repose son père.

Le cinéma colombien semble se porter bien, après le lumineux film de Ciro Guerra, « l’Étreinte du serpent », projeté il y a quelques semaines sur nos écrans. Tant mieux pour lui !

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