L’évènement le plus attendu de la saison de l’Odéon était Richard III, mis en scène par Thomas Jolly, l’un des jeunes metteurs en scène français qui parmi d’autres constitue la « nouvelle vague » du théâtre dans l’hexagone.
Richard III est une des pièces les plus emblématiques de Shakespeare. Ses différentes mises en scène défraient toujours la chronique, depuis celle de Lavaudant en 1984 en Avignon où Ariel Garcia-Valdès campait un Richard d’exception. Tous deux passeront d’ailleurs par Orléans en 2004, dans « la Rose et la hache » de Carmelo Bene, réécriture en raccourci de Richard III. Des souvenirs théâtraux merveilleux !
Raconter cette pièce est une gageure. En quelques mots : Richard, duc de Gloucester, accède au trône d’Angleterre en 1483 après avoir fait assassiner frère et neveux, prétendants avant lui dans l’ordre de succession. Il meurt deux ans plus tard à la bataille de Bosworth, laquelle met fin à la guerre des deux Roses opposant deux familles anglaises, les Lancastre et les York. Shakespeare raconte dans sa pièce, ces deux années durant lesquelles Richard jette le chaos sur l’Angleterre à coups de meurtres n’épargnant personne. Il lui fait s’exclamer, juste avant sa mort sur le champ de bataille, cette phrase restée célèbre : « Un cheval ! un cheval ! Mon royaume pour un cheval ! ».
Thomas Jolly, dans un spectacle qui hors entracte dure 3 heures 50, ne lésine pas sur les moyens : débauche de faisceaux lumineux modifiant l’espace scénique, nombreux rideaux de scènes de face ou de côtés découvrant les portraits des familles royales, concert rock dans une orgie de décibels saluant le couronnement de Richard, monumental cheval blanc sur roulettes pour la bataille finale, estrade montant et descendant au gré des situations, vidéos… et caméras qui surveillent, telles celles de nos rues. George Orwell aurait apprécié !
Mais Thomas Jolly qui tient lui-même le rôle de Richard, s’il campe un roi monstrueux physiquement et moralement, portant une atèle sur son bras droit, boitant, affublé dans le dos d’une sorte de mi-plumage, mi-bois, le docteur Folamour apparaissant subrepticement sous ses traits, il fait aussi et surtout de son personnage, un roi qui se veut acteur de théâtre. On n’est parfois pas loin de la bouffonnerie. C’est notamment vrai lorsqu’à la mort du roi Édouard IV, il prend la salle de l’Odéon à témoin afin d’obtenir le consentement du peuple quant à son couronnement. On éclaire la salle, des applaudissements fusent, quelques huées aussi (c’est quand même un monstre qu’on nous demande d’acclamer !), et c’est l’entracte !
A la fin, la salle debout acclame la Piccolia Familia, compagnie créée par Thomas Jolly, en une longue et méritée ovation. Et tant pis pour les Pros de la critique qui font la fine bouche. C’est totalement réussi, tous les acteurs sont au sommet de leur art, même si on pourrait faire quelques reproches à Thomas/Richard quant à son élocution, pas toujours totalement compréhensible. Reproche sur lequel on glissera tant l’ensemble apparaît grandiose.
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