vendredi 8 janvier 2016

Duel sous l'orage

CDN de Gennevilliers bis ! Son Directeur, Pascal Rambert, présentait cette semaine, « Argument », dont il est l’auteur et le metteur en scène, après nous avoir proposé en décembre « Répétition », pièce inégale m’avait-il semblé, malgré un quatuor d’acteurs haut de gamme.

Argument est un duel, au sein d'un couple, auquel assiste l’enfant qui ne dit mot, tout juste joue-t-il quelques notes de trompette. Nous sommes en 1871, au moment de la Commune de Paris que le couple a fui sur l’ordre du mari, parfait réactionnaire, bien que la femme, féministe telle Louise Michel, soutenait la révolte des parisiennes de tout son être.

Quatre actes entrecoupés d’une pause dans le noir absolu pendant laquelle une voix off nous donne quelques informations afin de comprendre ce qui relie l’acte suivant.

Le texte est magnifique, sans ponctuation, d’une force terrible, mais aussi d’une infinie poésie. Hymne à la libération de la femme, en même temps qu’hymne à la nature.

Au premier acte, au bord d’une falaise en Normandie, le tonnerre gronde, la tempête fait rage parmi les arguments que se jette le couple, la femme menaçant de se jeter dans l’abîme. Terrible face à face, l’homme tentant d’avancer vers sa femme, puis reculant… Est-ce sous l’effet du vent ou devant les injonctions lancées par son épouse ?

-    Vous êtes un chien et je vous châtierai comme un chien…
-    Reculez on ne touche pas une femme ce temps-là est fini… nous ne roulerons plus en boule comme le hérisson plaintif devant la patte du chien…
-    Vous parlez comme un livre mais qu’est-ce que vos romans vous auront mis dans la tête je les déteste vos romans…

Second acte, la mort de l’épouse, Annabelle, premiers et derniers mots d’amour des deux époux.

-    Vous émettez des larmes de sang Annabelle…mais de quel mal souffrez-vous jamais on ne vit des larmes de sang couler de si beaux yeux…
-    Mais le monde change un jour la renoncule éclot d’autres femmes se lèvent… Mon bon ami je vous ai aimé comment ne pas aimer son bourreau quand votre bourreau vous aime


Troisième acte. Au travers d’un texte d’une fulgurante beauté, Louis, l’époux, parle à sa femme devant la tombe :

-    Je vois souvent tes yeux ouverts ils sont verts comme l’eau du lac tu flottes  tu souris tu as la blancheur du lys…

Quatrième acte d’une beauté visuelle à couper le souffle. Annabelle, sorte de spectre évanescent, sort de sa tombe, interpelle Louis et lance un cri féministe :
-    Les filles futures arrivent, les filles futures vont pulluler sur la terre elle vont recouvrir comme on bâche le fumier vos injonctions vos interdits vos menaces votre chantage vos badines vos fouets vos obligations vos coups de poing sur la table vos doigts pointés vos réunions d’hommes votre politique vos parties de dés de tric trac de dominos vos rasoirs vos bottes cirées vos fusils vos chiens vos moustaches vos coutumes votre tradition vos lois divines tout cela les filles futures vont s’en débarrasser comme on ôte un vêtement de pluie quand le soleil revient…
-    Pourquoi tuez-vous la belle Annabelle


Fabuleux avec deux acteurs exceptionnels, Laurent Poitreneaux et Marie-Sophie Ferdane !

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