Morts et vivants, à la croisée des chemins

Vers l’autre rive, du probablement plus grand cinéaste japonais actuel Kiyoshi Kurosawa, est une sorte de film fantastique, où les morts reviennent accompagner les vivants, les hanter sans doute afin de leur délivrer un ultime au revoir.

Ses deux précédents films, du moins ceux diffusés en Europe, traitaient du subconscient, tant dans Shokuzaï, thriller sombre aux mystérieux codes nippons, que dans Real où le réalisateur nous emmène en bateau, au sein d’une mystérieuse expérience neuronale.

Ici, Kurosawa se gardera bien de nous livrer la clé de l’énigme, l’explication matérialiste qu’on attend forcément. Le spectateur s’en retourne avec ce qu’il a vu et entendu, ses ressentis, ses émotions propres, ses interrogations.

Une femme encore jeune, Mizuki, aperçoit soudainement, chez elle, son époux, Yusuke, disparu trois ans auparavant, suicidé par noyade. Loin d’en être étonnée, elle accepte la chose. Tous deux partent alors à travers le pays rencontrer celles et ceux chez qui le revenant à vécu, sans que l’on sache trop si les rencontres eurent lieu avant ou après la noyade. D’autres revenants émergeront ça et là, notamment le père de la jeune femme, lui tenant un étrange discours, tel Hamlet père parlant à son fils.

Mizuki, de femme soumise, se mue lentement en épouse scandalisée par une incartade amoureuse de son époux alors vivant, enfin en femme mélancolique devant le départ définitif de l’être qu’elle a aimé. Superbe rôle cinématographique pour Eri Fukatsu, tout en finesse et en retenue.

Deux mondes semblent se croiser, ceux des morts et des vivants, secousse du Big bang originel dans un univers où les particules sans masse naviguent en tous sens, sorte de Ground zero. Film étrange, où les deux époux découvrent qui était vraiment l’autre. Mais des trois films précités, pas sûr que ce dernier soit au même niveau que les deux autres, qui, il est vrai, se situaient sur le sommet cinématographique mondial.