vendredi 2 octobre 2015

Féminisme et Misogynie chez Molière

Le Centre Dramatique National d’Orléans ouvrait sa saison, qui sera d’ailleurs la dernière pleine et entière dirigée par Arthur Nauzyciel, avec l’invitation faite au CDN de Marseille plus connu sous le nom de Théâtre de la Criée.  Sa directrice, Macha Makeïeff, reprenait donc sa dernière création des Nuits de Fourvière en juin dernier, Trissotin ou les Femmes Savantes, comédie fort connue de Monsieur de Molière.

Pièce en 5 actes et en alexandrins, les Femmes Savantes content l’histoire d’un Trissotin, sorte de Tartuffe d’un genre nouveau, qui s’introduit au sein d’une famille bourgeoise, séduit 3 femmes (la mère, une des deux filles et la sœur du mari) en leur parlant philosophie et poésie, entreprend de jeter son dévolu sur l’autre sœur, celle qui ne veut pas de lui et de sa philosophie, tout ça pour s’approprier la fortune de ladite famille. Évidemment, il échouera grâce à un habile stratagème du frère du mari.

On a beaucoup dit et écrit sur cette pièce de Molière, l’accusant de misogynie. Il est vrai que certaines répliques sont dures à entendre, notamment celles de Martine, la bonne, au langage campagnard, celle qui réplique ne pas en vouloir à « grand-père ni à grand-mère » quand on lui demande si elle veut « offenser toute sa vie la grammaire ». Cependant, pour être objectif, encore faut-il décrypter tous les personnages.
•    Trissotin, le philosophe ou du moins présenté tel, est en fait un arriviste dont le poème qui permet aux trois femmes savantes de se pâmer, est d’une médiocrité absolue ;
•    La mère tient un discours, écrit rappelons-le en 1672, qui n’a rien à envier à ceux des féministes de mai 68, c'est-à-dire avec trois siècles d’avance ;
•    La sœur, Henriette et son soupirant, Clitandre, apparaissent par leurs discours, parfaitement instruits et sensés : s’ils disent rejeter la science et la philosophie, sans aucun doute par bravade, ils n’en sont pas moins très avisés et pas du tout réactionnaires ;
•    Enfin, le refus du mariage de l’autre sœur, Armande, est aujourd’hui une donnée sociétale, puisque la majorité des enfants naissent de couples non mariés.

Macha Makeïeff a situé l’intrigue peu de temps après mai 68, avec jupes courtes pour les filles, pantalon pour la mère, talons hauts, décor et costumes aux couleurs très vives, téléphones et micro de l’époque, tout à l’avenant quoi ! Elle a inséré dans sa mise en scène, une foule innombrable de trouvailles, délirantes pour certaines, plus ingénieuses les unes que les autres, ne laissant au spectateur aucun répit. Voilà de la vraie mise en scène théâtrale dont, parfois, certaines pièces en sont dépourvues, allez savoir pourquoi !

Les actrices et acteurs sont excellents. On regrettera cependant la diction difficile des deux filles, notamment dans la première scène. Il est vrai que déclamer des alexandrins n’est pas chose aisée, cela s’apprend et se travaille. Inversement, le rôle de Bélise, sœur âgée du mari qui pense être aimée de tous les beaux et jeunes garçons, est tenu par Thomas Morris, ténor à la voix admirable qu’il chante ou déclame, et qui ravit le public. De même, Macha a confié le rôle de Clitandre à un baryton, Yvan Ludlow, lequel forme avec Thomas Morris, un très remarqué duo de chanteurs lyriques : Molière n’y avait sans doute pas songé en écrivant sa comédie.

On se dit en sortant, que ces pièces classiques, ont tout intérêt à être mises en scène de manière contemporaine, le classique avec décors, costumes et manière de jouer à l’ancienne n’apportant plus rien à ces œuvres, même si le texte admirable mérite toujours d’être entendu et constitue un vrai régal.

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