Il s’agit d’une commande de la part du chorégraphe à Laurent Mauvignier, romancier français. De quoi s’agit-il ? Nous sommes en pleine guerre civile, ou peu après : la ville, quelque part, en ex-Yougoslavie, mais peut-être dans quelque pays musulman ravagé, ou ailleurs, est un champ de ruines. A gauche, la carcasse d’une automobile, des sacs poubelles jonchent les abords, lesquels jailliront plus tard au-dessus des têtes, tels des vautours fondant sur leurs proies ; des grillages métalliques ceignent le plateau, qui peuvent s’ouvrir et laisser passer la folie meurtrière. Une immense étoile s’illumine sur le mur. La scénographie est de Adel Abdessemed.
Il y a là, Katja, jeune femme qui se marie avec un jeune homme. Un enfant est né que Katja porte dans ses bras. Il y a aussi une bande armée, à sa tête Whisky, qui fait régner la terreur autour de lui, comme la guerre crée tant de ces personnages. De leur rencontre surgira le drame.
Le texte est lu par plusieurs narrateurs, juchés en haut des grillages, tels des dieux de l’Olympe assistant à la tragédie terrestre. Narration récitée sur un ton trop monocorde, compréhensible lorsqu’elle provient de la bouche des hommes, plus difficile lorsque la voix féminine interpelle. Même avec des micros HF, s’exprimer dans la Cour d’Honneur n’est pas chose facile, cela requiert une articulation sans faille, une force dans la voix sans lesquelles la Cour d’Honneur ne fait pas de cadeau. Le Fou de Lear en a fait la cruelle expérience quelques jours auparavant.
Le texte de Mauvignier est entrecoupé de moments chorégraphiques, dansés par le Ballet Preljocaj : moments forts, d’une beauté fulgurante, mais trop rares au goût de beaucoup. Certes, si l’on peut marier musique et danse, il en va tout autrement en mêlant langage parlé et objet chorégraphique. Le premier risque de devenir inaudible, recouvert par la danse. D’où la nécessité de les dissocier sur scène. Le théâtre dansé est à hauts risques !
Dès la fin de la représentation, un « consternant » sépulcral s’est élevé dans la Cour, provenant du bas des gradins m’a-t-il semblé, suivi de huées, comme si tout cela avait été préparé à l’avance par une cohorte d’éternels pourfendeurs (mais la chose est fort ancienne à Avignon), aussitôt recouvertes de chauds applaudissements dévalant les travées. Et lorsque qu’Angelin Preljocaj est venu saluer au milieu de ses danseurs, les huées avaient disparu par miracle, cédant la place aux bravos du public.
Alors, certes, la partie dansée aurait pu être plus dense, le texte plus compréhensible, plus vif, plus charpenté, mais le pari était risqué. Preljocaj est dans le défi. Seuls les êtres falots se complaisent dans la facilité.
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