vendredi 17 avril 2015

Taxi Téhéran, en voiture...

Jafar Panahi est un cinéaste iranien, condamné à 6 ans de prison, mais en liberté (enfin étrange liberté me dira-t-on !), qui n’a plus le droit de filmer dans son pays, qui n’a plus de passeport, et dont les films sont « indiffusables » selon les critères de la République islamique.

Ainsi, pour poursuivre son œuvre cinématographique, il a imaginé un stratagème. Il s’est lui-même converti en chauffeur de taxi, embarque des passagers, lesquels font la conversation, sous l’œil de trois ou quatre caméras : l’une filmant le conducteur, donc Panahi, une autre le passager avant, une troisième les passagers arrière, enfin une dernière filmant la rue droit devant.

On découvre ainsi un individu partisan de la peine de mort appliquée aux voleurs, sa contradictrice, institutrice de son métier, deux femmes âgées aux poissons rouges, un petit vendeur de films interdits, une avocate qui défend les militants emprisonnés, un blessé, la figure en sang et son épouse (sans doute la scène la plus jubilatoire), et surtout sa petite nièce qui n’a pas froid aux yeux.
Se pose alors la question dont personne ne semble avoir la réponse : les passagers sont-ils de vrais passagers rencontrés au hasard, ou sont-ils des acteurs et actrices, les scènes, dans ce cas, ayant pu être tournées plusieurs fois.

On peut aussi formuler autrement la question : est-ce un documentaire ou un film ?
Pour moi, il s’agit évidemment des deux. A savoir que les passagers sont tous des acteurs, mais que les scènes filmées sont le quotidien des Iraniens. Car plus on avance dans le film, plus la situation politique est pesante, à commencer par la petite nièce qui explique ce qu’est « un film diffusable », du moins tel qu’on lui a expliqué à l’école.
Et comme Taxi Téhéran ne répond pas à ces critères, il est donc « indiffusable », et n’a donc pas de générique.

Ours d’Or à la Berlinade 2015. Je n’entrerai pas dans le débat pour savoir si ce film mérite la récompense suprême. Mais il faut aller le voir, et de toute urgence. C’est une perle rare, objet cinématographique non identifié, du moins en Iran.

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