La Maison au toit rouge, long métrage de plus de deux heures de Yoji Yamada, est une sorte de conte, au cours duquel une vieille femme, Taki, peu avant sa mort, écrit le récit d’une partie de sa vie, destiné à son petit neveu avec lequel elle entretient un fort rapport familial.
Le film débute par l’incinération de Taki. Son petit neveu se recueille devant son portrait. Premier Flashback : il se souvient des discussions qu’il a eues avec sa vieille tante qui lui racontait par écrit sa vie de « bonne » dans une petite maison bourgeoise, au toit rouge. Second Flasback : nous sommes vers 1935. Taki devient la bonne d’un couple aisé vivant à Tokyo et ayant un petit enfant. Le mari est administrateur d’une fabrique de jouets. L’épouse, d’une très grande beauté, s’occupe comme elle peut. Un artiste, collègue du mari, vient fréquemment à la maison, au très grand plaisir de l’épouse. L’enfant, atteint de polio, nécessite des massages, ce dont s’acquitte Taki à la perfection. Voilà ce qu’elle raconte à son petit neveu.
Mais ce qui fait la force du film, ce sont les multiples allusions historiques de cette époque, entre 1935 et 1945. D’abord, la guerre menée en Chine par le Japon, ce qui pour les dirigeants de la fabrique de jouets, devrait permettre d’inonder la Chine de leurs produits. Nankin est évoqué, sans que chacun dans le film ne semble se douter de la réalité. Rappelons que la prise de Nankin par les Japonais a conduit au massacre de 300 000 chinois (militaires prisonniers, hommes, femmes, enfants) et environ 50 000 viols, selon les estimations moyennes. Il y eut même des concours de décapitations organisés au sein de l’armée nippone. Ce fut un des pires massacres de l’histoire réalisé en quelques semaines.
On évoque aussi la possible guerre avec les Etats-Unis, la mobilisation de tous les jeunes, même ceux qui ont été réformés auparavant, tel l’artiste, enfin les bombardements de Tokyo, d’Hiroshima et de Nagasaki.
Par petites touches, sans violence, telle cette petite manifestation avec drapeaux déployés, ou cette sorte de feu d’artifice représentant le bombardement de Tokyo, dans ce microcosme petit-bourgeois, le réalisateur peint la montée de l’impérialisme nippon dans les années 1930 menant à l’horreur absolue.
L’actrice jouant le rôle de Taki jeune, Haru Kuroki, a obtenu le Prix d’interprétation féminine au Festival de Berlin en 2014. On aurait pu joindre dans la même récompense, Takako Matsu, l’épouse, tant le duo qu’elles forment toutes deux me paraît totalement indissociable.
Un film lumineux et politique, où le réalisateur semble mettre en garde la jeunesse nippone actuelle en lui rappelant l’histoire de son pays. Mais Yoji Yamada reste optimiste quand le petit neveu, étudiant, demande à sa vieille tante, à plusieurs reprises, de ne pas enjoliver l’histoire. Lui sait à quoi s’en tenir !
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire
Remarque : Seul un membre de ce blog est autorisé à enregistrer un commentaire.