mercredi 11 mars 2015

Jeux de miroirs

Daniel Linehan est un chorégraphe US qui a travaillé entre autres avec le groupe de A-T de Keersmaeker. Il est artiste en résidence  à l’Opéra de Lille depuis 2013, et cette année, il a fondé sa propre compagnie, Hiatus, avec laquelle il vient de créer le Sacre du Printemps à Anvers.

A Orléans, il présentait « Gaze is a Gap is a Ghost », qui peut se traduire par « Le regard est un interstice où se glisse le fantôme ». Titre mystérieux s’il en est !

En fond de plateau, un écran, et de chaque côté de la scène, des empilages de cartons. Trois danseuses font leur apparition successivement : porteuses de lunettes spéciales, elles évoluent sur le plateau, une micro caméra fixée sur leurs lunettes projetant sur l’écran ce que chacune voit réellement, leurs pieds, leurs mains, le visage de leur partenaire en gros plan… Le spectateur est alors transposé sur la scène et prend la place de la danseuse. On se dit que les fameuses Google glass viennent de faire leur apparition.
Un demi-tour et apparaît sur l’écran la salle. Surprise : elle est vide ! Quelques secondes d’interrogation, l’effet de surprise passé, on comprend alors que la chorégraphie a bien été filmée grâce à une Gopro frontale, mais l’après-midi. Les lunettes ne sont que jouets pour abuser le spectateur.

Évidemment, cela nécessite un travail d’une précision absolue. Les trois interprètes se doivent, le soir, d’être dans le même tempo et dans la même position que l’après-midi afin que le spectateur ait vraiment l’impression que ce sont les yeux des danseuses qui projettent l’image sur l’écran. Et je peux affirmer que ce travail d’orfèvre trompe le spectateur dans la première partie du spectacle.
Bien sûr, Linehan s’amuse ensuite avec le public : tantôt il décale dans le temps, l’image sur l’écran et la gestuelle sur la scène, tantôt un sourire sur l’écran a disparu sur la scène… Et puisque le monde est un immense théâtre, une danseuse pique sa crise : elle quitte le plateau, file dans sa loge, enfile ses baskets, va faire un tour dehors, pénètre dans la superette du coin, et retourne dare-dare sur la scène après un appel sur son smartphone. Tout a été filmé l’après-midi, mais le spectateur est bluffé.

In fine, l’écran sera démonté et reconstruit à l’aide des vieux cartons. Veut-on tuer l’œil de la caméra, représentant la figure paternelle, celle du chorégraphe ? Métaphore originale !
En tous cas, le public sort de la salle totalement séduit par tant d’inventivités. Linehan, un chorégraphe d’avenir…

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