Hetero (sans accent) est un texte de Denis Lachaud, écrit en 2001, et mis en scène par Thomas Condemine.
Il s’agit d’un formidable pamphlet jeté à la face de ceux qui pensent que toute société est immuable dans ses rapports entre les êtres. De quoi mettre certainement en fureur tous les tenants de la « Manif pour tous », ceux qui découvrent et vocifèrent contre une soi-disant « théorie du genre » enseignée à l’école, ceux qui écrivent, tel cet ancien Ministre des sports et ancien champion de judo, que les femmes feraient mieux d’être à la maison pour élever leurs enfants que sur un tatami de judo !!!
L’intérieur d’un appartement bourgeois : au fond une double porte et deux fenêtres de chaque côté.
Cinq hommes sur le plateau : deux pères (le dominant et le dominé) ont enfanté un dominant, mais qui ne l’est guère. Un autre fils (dominé celui-là, mais qui se verrait bien dominant) et qui n’a plus de famille. Enfin, une sorte d’entremetteur.
Dans cette société fictive, rien que des mâles. Le dominant travaille, a toujours raison, aspire au dernier barreau de l’échelle sociale, veut tout diriger, et féconde le dominé. Le dominé reste à la maison, s’occupe de la cuisine, du ménage… et porte en gestation le futur enfant.
Le système fonctionne tant que chacun reste à sa place. Sauf que dans la pièce de Denis Lachaud, le fils dominé veut bien enfanter puisque c’est sa nature, mais veut rester au sommet de son entreprise. Et tout va déraper !
Le texte est magnifique dans sa férocité, évidemment quelque part dérangeant pour la gente masculine, l’humour est particulièrement grinçant. Des répliques sont savoureuses, notamment dans la bouche du père dominant, John Arnold, fort en gueule, et qui a décidé une bonne fois pour toutes, qu’il est le chef de la maison. Deux beaux monologues aussi, celui de Négos, l’entremetteur, s’adressant à un bel arbre et lui souhaitant longue vie dans la forêt ; et celui du fils dominé, en conclusion de la pièce.
Enfin, Grégoire Tachnakian, en fils dominant qui ne l’est guère, est proprement fabuleux sur scène, sorte de « j’voudrais ben, mais j’y arrive pas ». Il a vraiment le physique de l’emploi !
Donc, lorsque ça dérape pour cause de refus du système, les excréments de la bêtise humaine giclent fort, ça tombe même dru ! Quant aux bois de cerfs, peut-être incarnent-ils les cerfs dominants luttant sans cesse pour garder leur harde au sein d’une forêt où les arbres vivent en paix avec eux-mêmes.
Du très beau et très fort théâtre !
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