Matinée terrible en ce 7 janvier, lorsque nos amis de Charlie-Hebdo sont tombés sous les balles des tueurs. La terreur semée à tous vents, le fanatisme ne sont pas certes, des nouveautés sur le sol français : le nazisme, qui n’avait rien de musulman, se comportait de même, avec l’aide de « bons Français chrétiens ». Le refus de la différence, le refus de l’idée même selon laquelle nos voisins peuvent penser autrement, le refus d’une couleur de la peau différente, d’une vie sexuelle différente (et dans ce domaine, la France en connaît quelque chose !), d’une religion différente, d’une philosophie différente, d’une manière de vivre différente, peut conduire à la pire des atrocités.
Le soir, dans le cadre de l’ATAO, la compagnie des Dramaticules présentait Ubu roi, d’après Alfred Jarry. Spectacle totalement déjanté que nos amis de Charlie auraient très certainement apprécié tant la caricature est omniprésente dans la mise en scène de Jérémie Le Louët. Hommage des comédiens et du public venu très nombreux, aux dessinateurs de Charlie !
Sur scène, un écran en plein centre. De chaque côté, une foule d’accessoires dont se serviront, ou pas, les 6 comédiens. Ainsi que la régie sur la gauche de la scène.
Pendant que le public s’installe, une video projette sur l’écran l’image des comédiens qui se préparent dans leur loge. Cela se termine par une altercation violente : la folie d’Ubu serait-elle contagieuse ?
Au royaume d’Ubu, on convoque pêle-mêle : le couple Macbeth qui projette d’assassiner le roi et sa progéniture pour prendre la place ; Hamlet quand Bougrelas, le fils du roi se demande comment venger son père – fuyant la Pologne, dans la dernière scène, tout ce petit monde passera près d’Elseneur ; sans doute Richard III sur son cheval (très jolie vidéo à ce moment précis) et qui, à terre, réclame, non pas un cheval, mais un cure-dent ; un homme politique du 21ème siècle dans un discours au peuple (est-ce Sarkozy, Obama, Hollande ?) ; le fils Sarkozy à qui on conseille d’arrêter le théâtre et de poursuivre ses études de droit.
Le théâtre précisément est sens dessus dessous dans ce déferlement d’images, de cris suivis de silences, de caricatures… On se bouscule, on se tabasse, on vocifère, on se poursuit derrière la scène à coup de hache, on surgit par le haut de la salle. Bref, le théâtre est partout, le monde est un immense théâtre. Le royaume d’Ubu n’est pas limité à la Pologne.
Quand à la fin, Ubu déclare que sans Polonais, il n’y aurait pas de Pologne, on peut sans doute comprendre que sans spectateurs, il n’y aurait pas de théâtre.
Il y a du Macaigne là-dedans. Très certainement, Jérémie Le Louët a-t-il vu et apprécié « Au moins, j’aurai laissé un beau cadavre » réécriture d’Hamlet présenté en Avignon en 2011.
On n’est jamais déçu avec l’ATAO !
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