Splendid’s, texte de Jean Genet écrit en 1948, est mis en scène par Arthur Nauzyciel au Centre Dramatique National d’Orléans.
En prologue à la pièce, le seul film tourné par Jean Genet est projeté sur grand écran : « un Roman d’amour », filmé en 1950, interdit pendant 25 ans en France, pourchassé par la police aux Etats-Unis, muet, en Noir et Blanc, d’une durée de 24 mn. Un gardien de prison sur le trottoir ; deux prisonniers, homosexuels, dans deux cellules adjacentes, communiquent par un trou. Ils s’échangent de la fumée de cigarette grâce à une paille, se masturbent, l’un entame une danse sexuelle, on les voit s’aimer dans la forêt ; enfin, le gardien se sert de l’un d’eux, le frappe et lui enfonce dans la bouche le canon de son arme pour son propre plaisir sexuel.
La transition est parfaite, de la prison à cet hôtel luxueux qui peut s’apparenter à un couloir de la mort. Sept bandits se retrouvent cernés par la police après avoir enlevé une jeune fille et l’avoir tuée. Se joint à eux un flic : a-t-il retourné sa veste, ou s’est-il infiltré dans la bande ? La fin est inéluctable.
Sur scène donc, deux couloirs se rejoignent, des portes donnent accès aux chambres, la couleur verte domine.
La voix de Jeanne Moreau sort des entrailles d’un vieux poste de radio : profonde, il y a dans cette voix, un côté commandeur dans Don Juan.
Le temps est suspendu avant l’assaut final. On se parle, on s’invective sans effectuer le moindre geste, ou si peu. Quand ils existent, les déplacements sont lents, comme pour repousser un peu plus le moment fatal. Le texte a été traduit en anglais. Le texte originel est en surtitres. On le découvre d’une grande beauté. Mais difficile de le suivre sans rupture, la lecture est fatigante, alors on le quitte un moment pour y revenir ensuite. On se prend à regretter infiniment que le texte de Genet, en français, ne nous soit pas jeté à la figure par les acteurs. Non, Monsieur Nauzyciel, tout le monde en France n’est pas anglophone !
La scène finale est d’une très grande beauté : le flic infiltré exécute tout le monde alors que les bandits levaient les mains. Est-il le plus « salaud » d’entre tous ? Les bandits tombent, un à un, dans un ralenti tel que seul le cinéma se permet. Splendide chorégraphie que ces corps s’écroulant dans une lenteur sépulcrale ! Le flic jouit assurément, tel le gardien de prison dans « un Roman d’amour ». Le lien est fait. Du grand art !
On me dit :
RépondreSupprimer"C’est plutôt bien, cohérent, en tout cas, de bout en bout. Une sorte de messe noire, écrite à l’avance, comme toute les messes. Ou comme dans la tragédie classique quand les personnages parlent et parlent et parlent et se démènent avec la situation alors qu’il n’y a qu’un destin auquel ils n’échapperont pas. L’attention constante au texte n’est pas évidente pour le spectateur non-anglophone. Le programme était, comme assez souvent d’ailleurs, très bien fait."