Lucrèce Borgia

-    Lucrèce, je vous hais !
-    Gennaro, je vous bénis !
Ainsi pourrait-on résumer ce drame, écrit par Victor Hugo en 1832. La confrontation entre une mère et son fils, le second ignorant qu’elle est sa génitrice, et l’adorant au reçu de ses lettres, mais haïssant tout autant l’empoisonneuse du duché de Ferrare. Amour maternel et haine absolue se combattent dans une lutte dont l’issue ne peut être que fatale..

David Bobée, Directeur du CDN de Haute-Normandie, que j’avais rencontré l’année dernière à l’issue de Warm, a réussi une mise en scène fabuleuse, où théâtre, danse hip-hop, musique rock se côtoient magistralement.

Une sorte de piscine couvre tout le plateau : des passerelles amovibles permettent aux acteurs de se mouvoir hors de l’eau, ou carrément dans l’eau. Au fond, en lettres gigantesques, BORGIA se déplace verticalement. Le B s’éteindra sous l’effet de la colère de Gennaro, l’orgie finale dans le palais de la Negroni étant le point d’orgue de la pièce : moment grandiose où les danses, la poésie par un formidable clin d’œil à l’auteur (n’entend-on pas le début du poème d’Hugo adressé à sa fille : « Demain dès l’aube, à l’heure où blanchit la campagne… »), l’humour, les beuveries et le sexe s’entremêlent avant le massacre général, dans un jeu parfait de lumières, d’ombres et d’éclaboussures.

On retiendra dans le rôle du Duc, Thierry Mettetal, impérial de colère, de domination, de rouerie lorsqu’il pousse Lucrèce à exiger la mort de son propre fils, et d’intransigeance ; mais aussi Pierre Cartonnet en Gennaro, magistral de droiture, et ses amis danseurs, ainsi que Butch McKoy à la guitare et au chant.
Enfin, Béatrice Dalle en Lucrèce débutait au théâtre dans un rôle de démesure. Je m’attendais à un déferlement tragique sur scène, nous avons eu un personnage tout en retenue, empreint de calme, de froideur, de supplications, une Borgia presque frêle à certains moments.

Une certitude s’impose de plus en plus : David Bobée est un metteur en scène génial.