vendredi 8 août 2014

Winter sleep

Winter Sleep, de Nuri Bilge Ceylan, a obtenu la Palme d’or à Cannes en 2014. Et c’est amplement mérité, tant ce film sort des sentiers battus pour nous offrir une œuvre forte, non consensuelle, plaçant le débat au niveau le plus élevé, sans faire la moindre concession à la facilité ambiante. Trois heures et quart plus tard, on ressort en se disant que du côté de l’ancien empire ottoman, on pense, et pas qu’un peu.

En pleine Anatolie turque, dans un village troglodyte, on trouve figurez-vous, un hôtel au nom évocateur d’Othello. Shakespeare rôde dans ces contrées superbes où l’on aurait bien envie d’aller y passer ses vacances.
L’hôtel est tenu par une sorte de pacha moderne, intellectuel (il écrit des éditoriaux dans une revue confidentielle ainsi qu’un essai sur « l’histoire du théâtre turc »), riche, mari d’une épouse bien plus jeune que lui (on apprendra plus tard que la paix est survenue entre eux à partir du moment où chacun mène sa vie de son côté), et flanqué d’une sœur divorcée, les deux femmes n’ayant rien à envier à leur mari et frère sur le plan intellectuel. Même en pleine Anatolie, la pensée est souveraine et la croyance méprisée !

Le film repose essentiellement sur plusieurs débats, qui débutés tranquillement, à fleurets mouchetés, se terminent très violemment, mais sans la moindre agression physique. Tout est dans la parole ! La « palme » revient assurément à celui opposant le frère et la sœur, dans le bureau du premier. Les arguments fusent, d’un côté comme de l’autre, les ressentiments de la sœur envers son frère éclatant au grand jour. C’est remarquablement bien filmé, dans une lumière à la Rembrandt.

Haluk Bilginer dans le rôle de Aydin, le pacha, crève l’écran tant son regard d’intellectuel est juste à chaque instant. Mais son regard narquois envers sa jeune épouse lorsque celle-ci lui lance ses vérités à la figure, en dit plus long qu’un discours sur son véritable état d’esprit vis-à-vis des femmes.
Melisa Sözen dans celui de Nihal, l’épouse, au visage émacié, triste, et lançant de véritables flèches vers son mari honni, forme avec lui, un couple fabuleux à l’écran.
Honneur au cinéma turc !

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