mardi 25 juillet 2023

Pour en finir avec « Welfare »


En 1973  paraît sur les écrans, le documentaire Welfare, tourné par Frederick Wiseman dans un Centre d’aide sociale à New-York. 50 années plus tard, à la demande du documentariste américain, Julie Deliquet, Directrice du CDN de Saint-Denis, adapte Welfare dans la Cour d’Honneur du Palais des Papes en Avignon. Dans l’ordre, j’ai assisté d’abord à l’adaptation sur scène, puis au film dans une salle de cinéma : cet ordre est important.

On a pu lister toute une série de reproches à la metteuse en scène, et les critiques de théâtre ne se sont pas fait prier. Il n’en reste pas moins que les actrices et acteurs sont toutes et tous excellents, tant ils se sentent pleinement investis dans leurs rôles respectifs, que la direction d’acteur est des plus brillante. Ma critique principale porte sur le fait qu’aucune évolution ne transparaît tout au long des deux heures de spectacle, si le mot spectacle est juste. Cela pourrait durer quatre heures, ou dix, ou vingt, ou cinquante heures, que la situation de départ serait celle au final. Or, un film, une chorégraphie, une symphonie, un roman, un essai littéraire, tout ce qu’on veut, et plus encore une pièce de théâtre, marquent une évolution dans leurs parcours, la situation au final n’étant plus la même qu’à son début. Ici, ce n’est pas le cas. Deliquet pouvait-elle faire autrement ? Il eut fallu qu’elle s’écarte fortement du documentaire, qu’elle s’en extraie véritablement, comme beaucoup de metteurs en scène lorsqu’ils adaptent un roman au théâtre.

Le documentaire dure trois heures. On retrouve tous les ingrédients, personnages de chez Deliquet. Entre autres, le jeune couple et le raciste. Ce qui m’interroge, c’est le côté quelque peu théâtral des différentes séquences. Ces personnages, différents certes, mais toutes et tous dans une situation des plus précaires, sans argent, ne pouvant plus guère manger ni se loger, venant chercher un chèque qui aurait dû arriver, mais qui s’est perdu dans les arcanes de l’administration, dégagent une émotion forte. Mais est-ce naturel chez Wiseman ?

J’imagine le lieu de tournage avec caméra du début des années 70, perche avec micro, peut-être projecteurs. J’ai eu tout au long du documentaire, l’impression de voir des personnages se transformer en acteurs et actrices, parlant fort, déversant toute leur acrimonie, tantôt sur le personnel du centre, tantôt sur le flic parce que noir, tantôt sur la société de l’argent. On sentait que certains jouaient faux, profitant de la caméra pour tenir un rôle, le leur certes, mais avec délectation. Et que dire du discours final où cet homme, entre deux âges, cite Godot qui ne viendra pas comme son chèque, pour au final s’adresser à Dieu. La séquence est-elle réaliste, ou préparée ?

Au théâtre chez Deliquet, on sait qu’on a affaire à des artistes ; au cinéma, on ne sait plus si ce sont des personnages ou des acteurs (comme chez Pirandello). Et c’est là le problème. J’ai préféré le théâtre chez Julie Deliquet !