samedi 18 janvier 2020

Une oeuvre monumentale d'un pessimisme noir

Tenter l’expérience de « An Elephant Sitting still », le seul long métrage du chinois Hu Bo, peut sembler une épreuve à hauts risques, au vu de la durée du film, 3 heures et 54 mn. Et pourtant, voilà une œuvre monumentale que tout cinéphile digne de ce nom se doit d’avoir vue. Résumer l’histoire est impossible évidemment. Nous sommes dans une ville qu’un brouillard recouvre perpétuellement, où les relations humaines partent en vrille, on s’insulte dans la rue pour un détail, on chasse le grand-père du foyer familial parce qu’il coûte cher et qu’il tient trop de place, on chasse aussi l’ado qui ne se conforme pas aux souhaits du père ou de la mère. Au lycée, une simple bagarre tourne au drame. Quant au directeur adjoint du lycée, il couche avec une élève que ça n’a pas l’air de déranger.

Hu Bo nous décrit « un monde répugnant » que vous trouverez en Chine quelque soit l’endroit où vous irez, fait-il dire au grand-père.. Œuvre d’un pessimisme absolu, noir, elle interpelle par son côté négatif, quasi nihiliste, où seul le grand-père semble encore pouvoir aider son prochain. Même la jeunesse ne semble plus croire en rien, si ce n’est le téléphone portable servant à publier des vidéos dégradantes. Le personnage central, Wei Bu interprété par un jeune acteur plein de talent, Yuchang Peng, ne croit plus en rien : dans une des dernières scènes, il n’hésite pas à suivre un jeune voleur afin de récupérer l’argent que l’autre lui a volé, sachant qu’il court au-devant du danger, mais qu’il affronte sans défense.

Le cinéma de Hu Bo se distingue par plusieurs caractéristiques fortes : il filme souvent de dos les personnages, au niveau du haut du dos, les frères Dardenne utilisent souvent ce procédé qui permet au spectateur de prendre la place du personnage ; Hu Bo recourt à ce système lorsqu’il met face à face deux individus, ce qui rend flou celui qui est le plus éloigné ; les plans séquence sont souvent très longs, sans qu’il ne se passe rien à l’écran, le spectateur attend, « ô temps, suspends ton vol ! » pourrait s’exclamer le cinéaste.

Près de quatre heures après le début, on ne se lasse pas, les barrissements de « l’éléphant toujours assis » faisant songer à un cri de désespoir d’une société, d’un monde, d’une planète qui court à sa fin. Hu Bo n’en pouvant plus, se suicide à l’âge de 29 ans.

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