mercredi 22 août 2018

Un Grand Prix faiblard pour une cause juste

Grand Prix à Cannes cette année, « Blackkklansman » de Spike Lee sort en salles. Tout d’abord, on me dira qu’il s’agit d’un détail : le titre originel est flanqué, y compris en VO du sous-titre en français : « J’ai infiltré le Ku Klux Klan ». Prendrait-on les Français pour des ignares à ne pas savoir ce dont parle le film.

Honnêtement, et cela me peine de devoir le dire, seule le dernier quart d’heure est digne d’un Grand Prix. Pour le reste, à savoir pendant deux heures, on assiste à une histoire un tantinet longuette, où les envolées racistes sont légions, et des deux côtés, c’est gentillet, et on attend le dénouement qui tarde à venir. On a des flics blancs pas racistes du tout, à l’exception d’un seul, rappelons que nous sommes au début des années 70 et que les guettos noirs se sont embrasés entre 64 et 68, avec 257 villes touchées, 8000 blessés et 220 tués, quasiment tous des afro-américains. Enfin, un flic noir arrive dans un commissariat et lui vient une idée de génie, à savoir infiltrer une section du KKK, doublé par un flic blanc de confession juive, même s’il ne pratique pas. In fine, un attentat sera déjoué, enfin presque. C’est tiré d’une histoire vraie.

Alors certes, avant le dernier quart d’heure, on aura eu néanmoins quelques moments forts, tel le discours du général sudiste de Beauregard qui vous glace le sang, ou le témoignage d’Harry Belafonte (91 ans) sur le lynchage d’un jeune noir. Le meilleur est donc pour la fin, des extraits du film de D. W. Griffiths, « Naissance d’une nation » tourné en 1915 et considéré à juste titre comme éminemment raciste, visionné les deux côtés, par le KKK local et par une réunion de militants noirs, avec des réactions antagonistes, on s’en douterait. Quant à la clôture de l’affaire de l’infiltration du KKK par un policier, elle survient sur fond de croix brûlée, car la bête immonde renaît toujours de ses cendres.
Enfin, Spike Lee fait le lien avec les heurts de Charlottesville en 2017, la mort d’une jeune femme tuée par un automobiliste nazi, le discours de Trump renvoyant racistes et anti-fascistes dos à dos, un drapeau US en deuil.

Spike Lee a confié le rôle du policier noir à John David Washington, impeccable de drôlerie au téléphone, celui du policier blanc à Adam Driver qui m’a paru un peu errant sur certaines séquences. Le réalisateur US a voulu traiter le sujet par l’humour, tournant en dérision les déclarations des membres du KKK : procédé ambitieux, volontariste, mais particulièrement casse-gueule. L’année passée, le Grand prix avait été attribué à « 120 BPM » : on n’était évidemment pas dans la même catégorie.

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