Traiter de l’homosexualité, et son corollaire l’homophobie, au théâtre, est un exercice toujours délicat, parfois périlleux, et plutôt rare, dans la mesure où le spectacle vivant exacerbe sur scène les rapports humains. Au cinéma, la distanciation entre acteurs et public rend la tâche plus aisée.
Le metteur en scène roumain Eugen Jebeleanu s’est emparé du texte de Yann Verburgh, « Ogres », et l’a porté sur scène. Créé fin janvier à Villeneuve lez Avignon, Orléans était la première étape de la tournée de la compagnie, invitée par l'ATAO, adhérente à la FATP (Fédération d'Association du Théâtre Populaire).
Le texte-choc de Verburgh est une suite de témoignages, de Paris à Téhéran, de Sotchi à Kampala, et surtout de Rouen où en 2009, un jeune instituteur, Benjamin (Jérémy en réalité), est laissé pour mort dans sa voiture incendiée, témoignages racontant les horreurs générées par la haine de l’homosexualité. Ce texte est une plongée au cœur de la bêtise humaine, la plus abjecte, la plus répugnante, qui consiste à s’en prendre à ceux qui sont différents, ici l’orientation sexuelle. L’histoire de Benjamin sert de fil conducteur au texte de Verburgh : fréquemment sur scène (on débute et on termine avec lui), avant et après le procès de ses bourreaux, il refuse toute récupération d’où qu’elle vienne, mais ne parviendra pas à reprendre la classe.
Jebeleanu a confié à 5 jeunes acteurs, le soin de raconter l’indicible horreur, trois hommes, deux femmes, mais peu importe le sexe, les rôles étant interchangeables. Chacun joue parfaitement juste, s’exprime d’une voix claire (ce qui n’est pas toujours le cas aujourd’hui), sans en faire trop dans la démonstration, mais assez pour créer l’émotion. Jebeleanu et son équipe ont su parfaitement maîtrisé le texte, avec un décor en deux temps, une musique sourde, lancinante, c’est du très beau travail qui mérite amplement une tournée dans toute la France.
Ceci dit, est-ce faire théâtre que raconter une litanie d’horreurs ? La question mérite d’être posée. Personne n’a évidemment de réponse, et il ne m’appartient pas d’en apporter une. Toutefois, un second volet aurait mérité d’accompagner ces témoignages, suscitant réflexion et débat. Certes, on m’objectera que le matériau brut proposé par Verburgh est à même de remplir cette tâche. Dans un sens, oui. Mais il serait fort dommage que la seule compassion soit au rendez-vous du public.
Quoi qu’il en soit, voilà un spectacle à voir pour le thème qui ne saurait mériter l’indifférence, la mise en scène et le jeu des acteurs. Citons-les, ils le méritent : Gautier Boxebeld, Claire Puygrenier, Radouan Leflahi, Ugo Léonard et Clémence Laboureau, cette dernière à la très belle voix.
petite erreur : la comédienne et chanteuse est Clémence Laboureau
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SupprimerMerci de la précision.