Brillante Mendoza est bien le digne successeur de Lino Brocka, derrière la caméra, aux Philippines.
Il m’a été donné de voir « Insiang », l’année passée, film datant de 1976 et magnifiquement restauré. Brocka se servait d’une fiction pour nous parler des bidonvilles de la capitale de son pays, de ses trafiquants, mettant en scène une mère et sa fille, avec leurs défauts, mais aussi leur fierté de femmes. Insiang est devenu un monument du cinéma.
Dans la même veine, sans doute de manière moins brillante (excusez le jeu de mots), Mendoza situe l'histoire de « Ma’Rosa » dans les ruelles pauvres de Manille, avec ses échoppes aux mille couleurs où l’on trouve de tout, ses trafics, ses sols boueux lors des pluies torrentielles, mais aussi la fierté, l’honneur de ces gens pour qui la télé et les jeux entre voisins et voisines constituent l’essentiel de leurs loisirs.
Un groupe de policiers arrête de petites gens pour trafic de drogue, le vendredi soir afin de les garder « au chaud » le week-end en l’absence d’un juge, et d’obtenir une rançon de leur famille, contre leur remise en liberté. En cas d’échec, de très longues années de prison les attendent.
Rosa et son mari Nestor, tiennent une de ces nombreuses boutiques, leurs enfants ado les aident ou vont au lycée telle la grande fille. Ils se fournissent en « Crystal » et le revendent, au vu et au su du quartier. Le couple emmené au commissariat sur dénonciation n’a d’autre choix que d’une part, donner le nom du fournisseur, et d’autre part trouver 50 000 pesos, tâche confiée aux trois ados. Prostitution, revente d’une vieille télé, emprunt à la famille, mise en gage d’un smartphone, toutes les combines sont mises à profit pour faire sortir les parents.
Mendoza possède une façon bien à lui de filmer, caméra à l’épaule, visages filmés de très près parfois, de face ou de dos, dans des ruelles ou trottoirs peu éclairés, avec un certain flou inévitable. Il montre la solidarité qui se noue entre les petites gens, qui même si leurs rapports sont parfois houleux, viennent à l’aide de ceux qui en ont besoin. Solidarité qui n’existe pas venant de celui qui a fait fortune ! Mendoza, tout comme avant lui Brocka, ont choisi leur camp.
Jaclyn Jose, qui interprète le rôle de Rosa, sait cacher ses sentiments, derrière une force de caractère peu commune. Tout juste ses yeux larmoieront sur la dernière image, quand elle regardera une famille unie avec de jeunes enfants, pliant son étal. A quoi pense-t-elle à ce moment précis ? A ces millions de pauvres comme elle qui ne survivent plus qu’ils ne vivent ? A sa grande fille qui ne pourra aller à l’Université faute d’argent ? A l’injustice devant la corruption de la police ? A cette impossibilité de se révolter devant plus fort qu’elle ? Prix d’interprétation féminine à Cannes, on se souvient de son bonheur sur scène !
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