vendredi 2 décembre 2016

Daesh, version catho

Kirill Serebrennikov est devenu un habitué du Festival d’Avignon, du moins sous l’ère d’Olivier Py. En 2015, il présentait « les Idiots » de Lars von Trier, en 2016, « les Âmes mortes » de Gogol, deux œuvres sur l’absurdité des rapports humains.

A Cannes cette année, dans la section « Un certain Regard », son dernier film « le Disciple », d’après un texte du dramaturge allemand Marius von Mayenburg,  avait fortement impressionné. Il sort actuellement sur les écrans.

Un adolescent, Veniamin, lit la Bible, découvre ses monstruosités et veut les appliquer à la lettre, chez lui avec sa mère, lui reprochant son divorce puni par Dieu, son copain ado handicapé (Serebrennikov semble insinuer un refoulement homosexuel), et surtout au lycée, que ce soit à la piscine où il ne peut tolérer le bikini des filles, ou en cours de biologie, lorsque la prof explique comment mettre un préservatif (elle a alors recours à une carotte, bonnes gens, rassurez-vous !), ou lorsqu’elle parle de la théorie de l’évolution de Darwin.

Sous l’œil de Poutine (portrait encadré), le réalisateur propose des personnages très contrastés de la Russie d’aujourd’hui, où l’on enseigne que Staline, c’était pas si mal que ça, et une directrice plutôt réac qui recourt au Pope, et qui n’hésite pas à demander à la prof de Bio de présenter aussi aux élèves la création divine, mais qui peut partir d’un grand éclat de rire une fois seule.

Elena (remarquable Victoria Isakova), la prof de Bio, apparaît comme le seul personnage progressiste : souriante sous son casque à scooter, elle est athée. Lorsque Veniamin découvre son second prénom à consonance juive et la couvre de propos antisémites, on sent chez elle, non le refoulement d’une quelconque judaïcité, mais l’affirmation d’être une femme appartenant au genre humain et rien d’autre. En ce sens, Serebrennikov a visé très juste !

Enfin, que dire de Veniamin ? Si l’on ne sait ce qui a déterminé son plongeon dans l’obscurantisme, il éructe pendant les deux heures du film, une impressionnante litanie de citations bibliques toutes plus effrayantes les unes que les autres. Quant aux spectateurs incrédules sur le contenu de la Bible, Serebrennikov prend soin d’incruster à l’écran, pour chacune d’entre elles, les références exactes. Pas de tricherie !  On a ici, Daesh, version catholique ! On a le droit de penser que trop, c’est trop : les citations ont effectivement tendance à étouffer le film, d’autant que la prof de Bio s’y met aussi pour contrer son élève.

Un duel superbe entre une prof et son élève, entre le passé et l’avenir de la Russie, semble nous dire Serebrennikov, dont on n’a pas fini d’entendre parler, au théâtre ou au cinéma !

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