Cemetery of Splendour, du réalisateur Thaïlandais Apichatpong Weerasethakul, est un film à part, loin de ce que l’on voit habituellement sur les écrans. D’abord, parce que le metteur en scène est un cinéaste unique en son genre. Palme d’Or en 2010 pour « Oncle Boonmee », film qui n’avait pas rempli, et de loin, les salles, sans doute la plus faible recette des Palmes depuis longtemps, son cinéma traverse les subconscients, les rêves, les rapports humains, le tout imprégné de philosophie bouddhiste.
Certes, nous autres européens ne pouvons décrypter tous les codes et messages que ses films comportent, mais il s’agit de nous laisser bercer par son cinéma, et d’apprécier une empreinte picturale où toute violence est bannie, où les amitiés se nouent, dans le calme, au travers des mots et des gestes simples de la vie.
Nous sommes dans une ancienne école, transformée en hôpital où des soldats sont tombés dans un sommeil durable. Jen, une femme, plus toute jeune, handicapée (elle a une jambe plus courte que l’autre), vient au chevet de l’un d’eux, sans famille. Elle le masse doucement, lui parle, le caresse. Keng, jeune femme, sorte de medium, parvient, dit-elle, à lire dans les rêves des soldats. Enfin, deux princesses laotiennes traversent l’écran pour dire, que sous l’hôpital se trouve un cimetière dans lequel des rois, puisant l’énergie des soldats endormis, persistent à se livrer bataille. Parfois, les soldats se réveillent, s’alimentent doucement, pour aussitôt se replonger dans leur léthargie.
Jen et Keng se lient d’amitié, au travers d’une scène très forte quand Jen lui montre sa jambe plus courte et que son amie la couvre de baisers. Mais surtout, l’amitié naissante entre Jen et son soldat est définitivement scellée lorsqu’ils découvrent que chacun lit dans les rêves de l’autre.
Apichatpong ne nous épargne rien, ni la sonde urinaire, ni l’érection du pénis d’un soldat dont on peut deviner aisément le caractère du rêve. Il creuse, dans ce dernier film, les subconscients des uns et des autres, comme l’armée, munie de pelleteuses, creuse les alentours de l’hôpital sans que personne ne sache pourquoi.
Il y a des moments de grande beauté, quand des jeunes gens jouent à échanger leurs places assises devant un lac, et surtout à la toute fin du film, lorsque des enfants tapent dans un ballon dans les tranchées, soulevant la poussière, devant le visage totalement ahuri de Jen. Se pourrait-il qu’elle aperçoive alors les âmes des rois défunts continuer leur combat ?
Un cinéma à part, disais-je, et qui mérite d’être connu. Je n’en sors certes pas totalement ébloui comme certains critiques de cinéma, mais cela fait du bien de voir autre chose que l’habituel.
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