Fidelio

Fidelio, l’Odyssée d’Alice, de Lucie Borleteau, est un film admirable, en ce sens qu’il possède une double particularité.

C’est tout d’abord un documentaire sur la vie à bord des cargos en mer. On découvre le travail en salle des machines, sur le pont, à la barre, mais aussi les relations entre européens et philippins, les traditions ancrées dans la vie des marins, telles le passage de l’équateur, ou plus tragiquement, le cérémonial précédant la mise à l’eau d’un cadavre. Vie moins austère qu’on pourrait l’imaginer quand on passe plusieurs mois en mer, en « vagabondage » parfois, par tous temps, en toutes mers, par grande chaleur ou par le froid. On plaisante, on chante, on fait la fête lors des escales en Afrique, voire un peu plus que cela.

C’est aussi le portrait d’une jeune femme, Alice, mécanicienne de son état, embarquée au sein d’un équipage exclusivement masculin. Femme libre à tous points de vue, d’abord sexuellement puisqu’elle partage ses amours entre celui qui est resté à terre, et le capitaine du cargo, son ancien amoureux. Ariane Labed irradie dans ce film, en amoureuse, en mécanicienne qui semble avoir toujours vécu dans les entrailles du cargo, ou au sein de sa famille entourée de sa mère et de ses sœurs. Elle erre dans sa vie terrestre et maritime, comme Ulysse à la recherche de son île, explorant maints passages qui la mèneront vers plus de sérénité, du moins peut-on le penser. Un carnet de bord retrouvé dans sa cabine l’y aidera. Elle a reçu fort logiquement le prix d’interprétation féminine au festival de Locarno en 2014.
A noter qu’on aperçoit Laure Calamy, très grande actrice française, un trop court instant sur le cargo.