vendredi 20 décembre 2013

Perturbation



Perturbation est un roman de l’autrichien Thomas Bernhard, écrit en 1967. Le metteur en scène polonais, Krystian Lupa, a choisi de le porter au théâtre.
La durée totale de la pièce, entractes compris, avoisine les 5 heures. Deux entractes (le second de 5 minutes, voit les secondes s’égrener sur le mur du fond de la scène) divisent donc la pièce en 3 parties.

On est en Autriche. Un médecin de campagne part faire la tournée de ses malades. Il emmène son fils, étudiant à Oxford, avec lui.

Dans cette première partie (la plus longue, mais la plus belle sans doute du point de vue de la mise en scène), le médecin et son fils visitent des malades pendant que sur le mur du fond défilent des vidéos les montrant en voiture, tantôt caméra devant eux, tantôt derrière eux, sur les routes de la campagne autrichienne. Des panneaux, à droite ou à gauche de la scène, s’ouvrent faisant apparaître les chambres où se réfugient d’étranges malades, atteints par la folie, se dirigeant vers la mort.

La seconde partie débute par un sommet du théâtre : nous sommes chez le Prince Saurau (extraordinaire Thierry Bosc). Le médecin et son fils arrivent. Le Prince se lance alors dans un monologue gigantesque où il explique à ses hôtes, qu’après une inondation de ses terres, et la mort de son régisseur, il a mis une petite annonce pour remplacer ce dernier, dans un journal local. Il vient de recevoir 3 visites. Et d’expliquer en long, en large et en travers, en utilisant à foison la répétition, qu’il ne peut retenir aucune des 3 candidatures. L’un est trop jeune, le second trop âgé, le dernier n’a pas les compétences. C’est fabuleux !

La suite pose question. Les deux murs latéraux s’ouvrent à nouveau. Deux chambres apparaissent dans lesquelles les filles et sœurs (mais qui est qui ?) bavardent, deux par deux, parfois chuchotent, élèvent la voix. Le spectateur gobe à la volée, un mot par ci, une phrase par là : tout s’entremêle, s’entrechoque. Le spectateur est totalement « perturbé » !

La troisième partie réunit tout ce beau monde. Après que le Prince se fut lancé dans un nouveau monologue totalement déjanté, le voici qui nous explique que l’anti-corps de la nature semble, pour lui, être le fondement de la vie, ce qui permettra une contestation violente d’une de ses sœurs-filles. Le fils du Prince, in fine, refusera qu’on rentre les moissons avant la pluie, comme le réclame l’industriel local. Pied de nez à ceux qui dirigent l’économie, de la part de l’auteur ?

Thomas Bernhard n’est pas tendre avec son pays, une « pseudo-démocratie », où l’on n’a pas le droit de prononcer le mot « Auschwitz ».
Pièce fleuve, non dénuée d’intérêt, et qui interpelle.

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