mercredi 12 mars 2025

Convocation en huis clos au pays de Bergman

 


La Convocation, film norvégien (le pays d’Ingmar Bergman), sort sur les écrans cette semaine. Caméra d’or (1er long métrage toutes catégories au dernier Festival de Cannes), issu de la section Un Certain Regard, c’est à mon sens le film le plus expérimental, le plus ingénieux, celui qui sort totalement de ce que nous voyons le plus souvent à l’écran.

La scène se déroule dans un établissement scolaire, aux bâtiments énormes. Suite à la plainte d’une famille selon laquelle un enfant Armand, 6 ans, aurait commis une agression physique et sexuelle sur un camarade de classe, Jon, le chef d’établissement secondé par l’enseignante et la surveillante générale, convoque les deux parents de Jon, et la mère d’Armand, on apprendra par la suite que le père du garçon est mort. Pourtant, on ne verra pas d’enfants (sauf sur des tas de photos sur les murs des couloirs), une seule enseignante, et plus tard dans le film, un homme de ménage (noir comme il faut bien) et les parents des élèves de la classe réunis pour la fin d’année scolaire.

La confrontation entre les parents virera à l’affrontement. Qui a tort, qui a raison, qui dit la vérité, qui ment ? Nul ne le sait ! On apprendra plus tard que les deux familles sont liées, la mère de Jon étant la sœur du père d’Armand, mort dans un accident, que les deux mères sont très proches au point que les deux garçons se retrouvent souvent chez la mère d’Armand (du moins avant la confrontation). Les informations ne nous seront délivrées qu’au compte-goutte par le scénario. Au final, si on ne connaît pas vraiment ce qui s’est passé entre les deux garçons, on découvrira des choses pas très belles, ni très claires dans les relations familiales (secrets de familles), le directeur de l’école, tout ce petit monde semblant se connaître depuis des années. On est manifestement plongé dans une communauté quasi fermée où l’on règle les comptes d’adultes sur le dos des enfants.

Mais ce qui fait la force de ce film, outre le scénario très hitchcockien par le suspense, voire kafkaïen, ce sont des scènes qui devraient devenir cultes, le fou rire de la mère d’Armand, sans doute le pus grand fou rire de tout le cinéma mondial, et les scènes finales qui durent, sans que l’on entende un seul mot, entre la danse de groupe qui pourrait être la métaphore des rumeurs qui peuvent détruire un être humain, la pluie torrentielle qui s’abat dans la cour de l’école lors de la sortie finale, sorte de purification des âmes. Car entre le saignement de nez à répétition de la surveillante, et l’alarme incendie qui se déclenche inopinément, le réalisateur multiplie les métaphores du dérèglement général de nos sociétés et du climat. Enfin, les très gros plans des visages, parfois jusqu’au détail, traduisent chez le réalisateur, la volonté de fouiller jusqu’au tréfond de la personnalité de chaque individu. Un chef d’œuvre !

Réalisation de Halfdan Ullmann Tøndel (petit-fils d’Ingmar Bergman et de Liv Ullmann), et les actrices Renate Reinsve (Prix d’interprétation féminine à Cannes en 2021) et Ellen Dorrit Petersen. (2 heures)

lundi 24 février 2025

Castor et Pollux, opéra de J-P Rameau, au Palais Garnier

L’Opéra de Paris avait ressorti une de ses œuvres qui dorment dans les cartons, et qui, lorsqu’on a la chance de les découvrir, apparaissent comme de petits bijoux, pour peu que le metteur en scène sorte l’opéra de ses habituelles vieilleries et qu’il le confronte à une culture du XXIème siècle.

Ainsi en est-il de Peter Sellars, artiste états-unien, « connu pour la mise en perspective des œuvres classiques dans le contexte de son époque », nous dit Wikipédia. Le moins que l’on puisse dire est qu’il n’a pas manqué à sa réputation.

On connaît un peu l’histoire des deux jumeaux dans la mythologie grecque. Castor et Pollux sont enfantés par la même mère, Léda, mais si le premier cité est fils de Tyndare, époux de Léda et roi de Sparte, le second est le fils de Zeus, lequel avait réussi grâce à un subterfuge, a séduire Léda. Le premier est donc mortel tandis que le second est immortel. Au cours d’une guerre, Castor est tué, son frère descend alors aux enfers prendre sa place, mais Zeus aura la bonté de les rendre tous deux immortels, d’où leur présence depuis la nuit des temps dans la constellation des gémeaux, quelque part dans la galaxie. Ajoutons que les deux frères aiment la même femme, Telaïre, laquelle n’a d’yeux que pour Castor.

Peter Sellars avait choisi de faire se rencontrer la musique de Rameau et une des danses actuelles comme on les appelle, en l’occurrence le « FlexN » dont un des chorégraphe phare est Cal Hunt, new-yorkais, danse caractérisée par un déplacement sur la pointe des pieds avec de très jolis mouvements du corps et des bras. Sur le plateau de Garnier, 14 danseuses et danseurs accompagnaient ainsi solistes et chœurs, tandis que dans la fosse officiait le chef Teodor Currentzis et son orchestre Utopia.

Sur le plateau, une cuisine, un salon, une chambre et même la salle de bain avec douche, Peter Sellars expliquant qu’aux USA, aucune salle de spectacles ne permet d’accueillir les danses actuelles, celles-ci se réfugiant dans les appartements. Pourquoi pas un tel décor, d’une simplicité voulue, non pour des motifs budgétaires, mais afin d’accueillir le « FlexN » ! Pour tous et toutes, danser à Garnier devait être le sommet auquel ils pouvaient s’attendre.

Des solistes très haut de gamme, notons plus particulièrement Reinoud Van Michelem impressionnant dans le rôle de Castor, Stéphanie D’Oustrac dans celui de Phébé dont l’amour pour Pollux n’est pas réciproque, Natalia Smirnova qui a fait envoler sa voix (jusqu’à quelle note ?) lors d’un solo dans le rôle de Vénus,  Jeanine de Bique, une Télaïre de haute volée, enfin Marc Mauillon, tourmenté entre l’amour que lui voue Phébé, et celui que Telaïre lui inspire. Sans oublier la basse de Nicholas Newton en Zeus impérial !

Un orchestre Utopia absolument remarquable, des chœurs magnifiques, voilà un opéra qui a reçu une ovation rare et méritée au Palais Garnier, nonobstant les critiques des médias attachées aux vieilleries lyriques.

jeudi 20 février 2025

« September and July », d’Ariane Labed

Film présenté à Cannes 2024 dans la catégorie « un certain regard », le premier long métrage de la réalisatrice franco-grecque Ariane Labed a de quoi attirer l’attention ! Il met en scène trois femmes, une mère et ses deux filles adolescentes (16/17 ans). L’histoire se déroule en Irlande, adaptée du roman « Sœurs (sisters) », de l’anglaise Daisy Johnson.

Le film est scindé en deux parties, coupées par un écran noir de plusieurs secondes. Dans la première, les deux sœurs fréquentent le même lycée, la cadette, July, étant en proie aux moqueries de ses camarades, voire de ses professeurs, l’aînée surgissant toujours au bon moment (at the right time, comme disent les anglais) pour la défendre bec et ongles, bien qu’en classe, elle se retrouve sans sa sœur protectrice. Dans cette première partie, la mère (l’excellente Rakhee Thakrar) est très peu présente à l’écran. « L’incident » survient quand en pleine nature, à la tombée de la nuit, les deux sœurs rencontrent trois élèves de la classe de July, le vent se lève, on n’en saura pas plus, coupure.

Dans la seconde, mère et filles débarquent dans une maison familiale en bord de mer. Les deux sœurs rencontrent sur la plage un garçon qui les invite le soir autour d’un feu de camp avec des amis. July tombe amoureuse du beau garçon et en perd sa virginité, pendant que la mère vit sa propre sexualité avec un homme rencontré dans un bar à l’issue d’une séance de drague qui pourrait devenir culte. Si l’aînée défend sa sœur au collège, le soir à la maison, les rôles semblent s’inverser, surtout dans la seconde partie, où la relation devient extrêmement toxique.

Le final ne se raconte pas. Que l’on sache seulement que la vérité n’est pas toujours celle que l’on croit, et que les faits évoqués ci-dessus ne sont peut-être pas vrais. Film formidablement féministe à voir ! 1 heure 40.

Soeurs de Daisy Johnson : 
Traduit de l’anglais par Lætitia Devaux - 
Ed Stock - 216 pages (2021)

mardi 14 janvier 2025

« Celui qui revient », anatomie d’un massacre (Han Kang)

3ème roman de Han Kang, Prix Nobel de littérature 2024, avec « Celui qui revient » où l’autrice donne la parole à celles et ceux, vivants ou morts, qui ont connu le soulèvement du peuple dans la ville de Kwangju (Corée du sud) en mai 1980, et qui s’est terminé par le massacre de plusieurs milliers de manifestants, ou simplement de personnes ramassées au hasard dans les rues par les parachutistes envoyés par le général-dictateur.

Beaucoup de jeunes, collégiens, lycéens ou étudiants qui rêvaient d’un avenir meilleur après une période de dictature, ont manifesté dans la ville. De massacres en massacres, ils ont péri sous les balles ou sous la torture. Combien ? Difficile de savoir, tant les corps des suppliciés ont été brûlés et enfouis sous terre.

Alors qu’il est d’usage de présenter la Corée du sud comme une démocratie opposée à la dictature de la famille Kim en Corée du Nord, on découvre à la lecture des romans de Han Kang « Celui qui revient » et « Impossibles adieux » que le sud ne vaut pas mieux que le nord. La récente tentative de coup d’état au sud montre qu’on est loin d’être sortis de ce cycle infernal.

Personnages de fiction certes, mais Han Kang forte de nombreux témoignages, nous replonge dans le cours de ces évènements, au travers d’une famille dont le plus jeune des trois fils a refusé de quitter la préfecture occupée, sachant que l’armée allait arriver, un frère et une sœur disparues et que leur père recherche en vain, une carrière où les corps s’entassent les uns sur les autres, qu’on arrose de pétrole et qu’on brûle, une femme militante syndicale à qui l’on demande de témoigner des années plus tard et qui racontera peut-être devant un magnétophone… Les exemples sont nombreux…

Le chapitre le plus fort est sans doute celui où l’âme d’un supplicié raconte l’entassement des corps telles des palettes de bois, avant leur crémation. Le lecteur ressort de ce texte qui vous glace jusqu’au sang, se posant toujours la même question : l’homme est-il fondamentalement bon ou mauvais ? Sa nature originelle le prédispose-t-il à tuer et torturer, ou non ? Telle est la question posée par Han Kang.

Note : Chun Doo-hwan, le massacreur de Kwangju, général et devenu Président lors du coup d’état militaire de 1979, sera condamné à la peine de mort lors de son procès en 1996, puis successivement à la prison à vie et gracié. Il n’aura fait que deux ans de prison. Il meurt en 2021 à l’âge de 90 ans.

jeudi 26 décembre 2024

Impossibles adieux (Han Kang)

 

« Impossibles adieux » de la dernière Prix Nobel de littérature en 2024, Han Kang, jette au monde, la réalité de ce que furent les massacres de la population coréenne, sur l’île de Jeju, située au sud de la péninsule, sur la mer de Chine, en 1948 et 1949, juste avant le déclenchement de la guerre de Corée. Massacres perpétrés par la police, l’armée, et surtout des éléments fascistes arrivés du nord de la Corée, sur ordre de l’armée américaine et des militaires coréens du sud.

On évalue aujourd’hui ces massacres sur l’île de Jeju à 30 000 en quelques mois, exterminant hommes, femmes, enfants et bébés, que l’on fusillait avant de jeter les corps, soit à la mer emportés par la marée, soit dans des mines de cobalt abandonnées. A cela, il faut ajouter environ 200 000 « rouges » qui furent exécutés sur le continent dans les mois suivants. Ces massacres ont été tus, celles et ceux qui tentaient de les évoquer pouvant se retrouver en prison, torturés, voire exécutés. Ce n’est qu’au cours des années 90, soit 50 ans plus tard que la vérité se fit jour, les archives ouvertes.

Si le mot de « génocide » n’est pas utilisé par Han Kang, le parallèle se fait avec des évènements passés ou présent (Gaza). Han Kang pose la question : « Comment des humains peuvent-ils faire cela à d’autres humains ». La question vaut depuis des siècles, sans réponse.

Le roman

Une femme se retrouve dans la maison d’Inseon, son amie, située en pleine campagne, à l’écart d’un village sur l’île de Jeju, sous une tempête de neige. La narratrice y a été envoyée par Inseon, bloquée dans une chambre d’hôpital, deux doigts d’une main sectionnés, afin d’aller nourrir un petit perroquet qui risque de mourir de soif. A son arrivée, l’oiseau est mort. Elle l’enterre sous un arbre. Le lendemain, au réveil, elle retrouve le perroquet voletant dans la pièce, et son amie Inseon, dans l’atelier, ses mains intactes. Est-elle un esprit, un fantôme ? La narratrice est-elle vivante ou morte ? Rêve-t-elle ? Inséon est-elle à la fois dans sa chambre d’hôpital, vivante, et dans sa maison, morte. Recours à la physique quantique. On ne saura pas.

Han Kang livre les archives de ces massacres qui glacent le lecteur, au travers des mémoires, extraits de journaux, photos anciennes… rassemblées par la famille d’Inseon, sa mère, son père, ses tantes et oncle, dans une écriture poétique, d’une rare beauté.  Han Kang s’interroge sur l’impossibilité pour un être humain, dont les plus proches parents ont connu l’abomination génocidaire, d’oublier, de faire ses adieux à l’histoire familiale.

Un livre à lire et un Prix Nobel amplement mérité !

Impossibles adieux de Han Kang
Ed Grasset – 330 pages
Traduction de Pierre Bisiou et Kyungran Choi

jeudi 28 novembre 2024

Han Kang, du Prix Nobel au théâtre Olympia de Tours

 Lorsque le Comité Nobel a attribué son Prix de littérature à la romancière sud-coréenne Han Kang le 10 octobre dernier, bien peu de lecteurs la connaissaient. Par un hasard extraordinaire, la metteuse en scène italienne Daria Deflorian parcourt la France (1) cet automne, avec une adaptation théâtrale du roman de Han Kang, le plus connu en occident, « la Végétarienne ». Le spectacle faisait halte au théâtre Olympia, CDN de Tours, ces jours-ci.


La Directrice du CDN de Tours a eu une formidable intuition en créant ce temps fort autour d’un pays, cette année l’Italie, et en programmant « La Vegetariana » de la metteuse en scène Daria Deflorian, sur une adaptation du roman éponyme de la sud-coréenne Han Kang, sans savoir que cette dernière aurait reçu le Nobel de littérature quelques semaines avant que les tourangeaux puissent voir la pièce.

Daria Deflorian a choisi de centrer son adaptation du roman autour de quatre personnages, les deux sœurs et les deux maris, manière de rendre plus claire la problématique qui découle des relations entre Yonghye et les trois autres, sa sœur, son mari et son beau-frère. Dans une mise en scène minimaliste, un décor des plus sobres, ressortent fortement les nombreux monologues des trois narrateurs et narratrice du roman s’adressant au public, le prenant à témoin comme pour juger cette femme errant sur le plateau de théâtre. Point n’était en effet besoin d’une scénographie grandiose ou d’effets en tous genres tels que le théâtre en offre parfois.

Juste deux trouvailles ingénieuses. Le matelas posé à la verticale contre lequel le couple se positionne debout, comme si une caméra au plafond filmait l’homme et la femme, l’image étant projetée sur le mur. Et pour peindre les fleurs sur le corps de Yonghye, il suffisait de les reproduire sur une vitre et de les projeter sur le mur où se tenait l’actrice nue : magnifique idée !

Daria Deflorian a choisi d’éviter les moments les plus dramatiques du roman, tel « le cri de bête » poussé par Yonghye lors du repas anniversaire de la première partie, ce qui aurait sans doute nui au caractère intimiste, tout en délicatesse voulu par la metteuse en scène.

Trois soirées de représentations au théâtre Olympia de Tours avec une salle pas loin d’être pleine à chaque fois, pour un spectacle en italien avec surtitrages très lisibles, il faut le souligner, un public intergénérationnel, et de chaleureux applaudissements au final. Que demander de plus ?

(1) A l’Odéon (Berthier), Tours, Toulouse, Chambéry et Montpellier

Le roman

C’est l’histoire de deux sœurs dont l’enfance a été marquée par la violence du père. Elles se sont mariées toutes deux. La sœur cadette, une nuit, fait un rêve qui la pousse à devenir totalement végétarienne, au grand désespoir de la famille. Ce rêve la fait pénétrer dans le monde de la schizophrénie et de la folie, se considérant telle un arbre prenant racine.

Le roman se subdivise en trois chapitres :  la première partie dont le narrateur est le mari, décrit la vie du couple jusqu’à une fête anniversaire chez la sœur aînée qui se termine tragiquement ; dans la seconde partie, le narrateur est le beau-frère (mari de la sœur aînée) qui est pris d’une envie sexuelle et artistique qui le pousse à commettre l’innommable ; dans la troisième partie où la sœur aînée est la narratrice, la scène se déroule dans un hôpital psychiatrique où est internée la sœur cadette qui ne s’alimente plus du tout, et à laquelle la sœur aînée vient rendre visite.

Le roman où les maris des deux sœurs n’ont pas le beau rôle, c’est le moins qu’on puisse dire, prend aux tripes le lecteur, par la descente aux enfers de la petite sœur, « le temps ne s’immobilise jamais », répète Han Kang. Derrière l’histoire de Yonghye, le lecteur perçoit l’impossibilité dans la Corée du Sud d’aujourd’hui, de s’écarter de la tradition, des coutumes du pays, de la culture dominante. Le fait que ce soit une femme qui prenne un chemin divergent  montre à quel point selon l’autrice, la société coréenne est encore marquée par le patriarcat.

Une formidable romancière à découvrir !

(La végétarienne - Ed. Le livre de poche, 212 pages)



lundi 28 octobre 2024

Clôture de l'amour, un choc !

Passage au théâtre de l’Atelier dans le quartier Montmartre, en ce samedi après-midi, touristes particulièrement nombreux dans cette rue de Steinkerque, rue piétonne bordée de chaque côté par des boutiques de souvenirs ou autres babioles, et qui rejoint le bas des marches du Sacré-cœur (qui ne l’est pas du tout, mais c’est une autre affaire !) à partir du métro Anvers.

Ce théâtre classé aux Monuments historiques, fondé en 1822, reconstruit (ou rénové, je ne sais) en 1907, sous la direction de Charles Dullin de 1922 à 1940, a toujours programmé du théâtre de qualité sans jamais sombrer dans la médiocrité, ce qui est devenu sa marque de fabrique, encore aujourd’hui. S’il est maintenant la propriété d’un industriel, le théâtre de l’Atelier est dirigé par Rose Berthet qui programme souvent des pièces qu’on a vues ou qu’on verra dans le théâtre public.

Joli théâtre situé au milieu d’une place arborée portant justement le nom de Charles Dullin, qui programmait « Clôture de l’amour » de Pascal Rambert, pièce créée en Avignon en 2011 avec Audrey Bonnet et Stanislas Nordey, et rejouée par les deux mêmes depuis. Ils ont simplement 13 années de plus. Pièce traduite depuis en une vingtaine de langues, tant la richesse du langage emporte tout sur son passage, tel un fleuve en crue !

Deux monologues d’une heure chacun ! L’homme débute, annonce à sa compagne que leur vie à deux est terminée. Suivent une montagne de reproches en tous genres, où tout y passe, actes sexuels compris. Au bout d’une heure, la femme répond point par point et renverse la situation. L’homme, d’une position écrasante l’instant auparavant, semble anéanti devant le réquisitoire implacable de sa compagne.

Pièce absolument féministe. Si Pascal Rambert avait inversé les rôles, faisant débuter la femme, c’aurait été une pièce totalement machiste.

On retiendra évidemment les deux performances de ces deux artistes-monuments du théâtre public, d’une présence et d’une force extraordinaires, jetant les mots de Pascal Rambert à la face de l’autre en dégageant une émotion considérable. Le public les a très chaleureusement applaudis.