La Convocation, film norvégien (le pays d’Ingmar Bergman), sort sur les écrans cette semaine. Caméra d’or (1er long métrage toutes catégories au dernier Festival de Cannes), issu de la section Un Certain Regard, c’est à mon sens le film le plus expérimental, le plus ingénieux, celui qui sort totalement de ce que nous voyons le plus souvent à l’écran.
La scène se déroule dans un établissement scolaire, aux
bâtiments énormes. Suite à la plainte d’une famille selon laquelle un enfant
Armand, 6 ans, aurait commis une agression physique et sexuelle sur un camarade
de classe, Jon, le chef d’établissement secondé par l’enseignante et la
surveillante générale, convoque les deux parents de Jon, et la mère d’Armand,
on apprendra par la suite que le père du garçon est mort. Pourtant, on ne verra
pas d’enfants (sauf sur des tas de photos sur les murs des couloirs), une seule
enseignante, et plus tard dans le film, un homme de ménage (noir comme il faut
bien) et les parents des élèves de la classe réunis pour la fin d’année
scolaire.
La confrontation entre les parents virera à l’affrontement.
Qui a tort, qui a raison, qui dit la vérité, qui ment ? Nul ne le
sait ! On apprendra plus tard que les deux familles sont liées, la mère de
Jon étant la sœur du père d’Armand, mort dans un accident, que les deux mères
sont très proches au point que les deux garçons se retrouvent souvent chez la
mère d’Armand (du moins avant la confrontation). Les informations ne nous
seront délivrées qu’au compte-goutte par le scénario. Au final, si on ne
connaît pas vraiment ce qui s’est passé entre les deux garçons, on découvrira
des choses pas très belles, ni très claires dans les relations familiales
(secrets de familles), le directeur de l’école, tout ce petit monde semblant se
connaître depuis des années. On est manifestement plongé dans une communauté
quasi fermée où l’on règle les comptes d’adultes sur le dos des enfants.
Mais ce qui fait la force de ce film, outre le scénario très
hitchcockien par le suspense, voire kafkaïen, ce sont des scènes qui devraient devenir
cultes, le fou rire de la mère d’Armand, sans doute le pus grand fou rire de
tout le cinéma mondial, et les scènes finales qui durent, sans que l’on entende
un seul mot, entre la danse de groupe qui pourrait être la métaphore des
rumeurs qui peuvent détruire un être humain, la pluie torrentielle qui s’abat
dans la cour de l’école lors de la sortie finale, sorte de purification des
âmes. Car entre le saignement de nez à répétition de la surveillante, et l’alarme
incendie qui se déclenche inopinément, le réalisateur multiplie les métaphores
du dérèglement général de nos sociétés et du climat. Enfin, les très gros plans
des visages, parfois jusqu’au détail, traduisent chez le réalisateur, la volonté
de fouiller jusqu’au tréfond de la personnalité de chaque individu. Un chef d’œuvre !
Réalisation de Halfdan Ullmann
Tøndel (petit-fils d’Ingmar Bergman et de Liv
Ullmann), et les actrices Renate Reinsve (Prix d’interprétation
féminine à Cannes en 2021) et Ellen Dorrit Petersen. (2 heures)